Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Œil-de-Faucon, fort comme le buffle, agile comme le chatpard des montagnes, et vaillant comme le jeune aigle. Si sa nation avait à poursuivre les Maquas pendant plusieurs soleils, l’œil de Chingachgook savait découvrir leurs traces. Nul guerrier ne rapportait du combat un plus grand nombre de chevelures. Si les femmes pleuraient parce qu’elles n’avaient rien à donner à leurs enfants, il était le premier à la chasse, et sa balle courait plus vite que le daim le plus léger. Il ne songeait pas alors à faire des paniers.

— Les temps sont changés, John ; au lieu de combattre vos ennemis, vous avez, appris à craindre Dieu et à vivre en paix avec les hommes.

— Voyez ce lac, ma fille, voyez ces montagnes et cette vallée ; John était encore jeune quand le grand conseil de sa nation donna au Mangeur-de-Feu ce pays et tout ce qu’il contenait depuis la montagne dont vous voyez la tête bleue dans le lointain, jusqu’à l’endroit où vous cessez d’apercevoir la Susquehanna. Pas un Delaware n’aurait tué un daim dans ses bois, ni un oiseau volant au-dessus de ses terres, ni un poisson nageant dans ses eaux, car ils lui avaient donné tout cela parce qu’ils l’aimaient, qu’il était fort et qu’il les aurait protégés. John était encore jeune quand il vit des hommes blancs passer la grande eau pour venir attaquer leurs frères à Albany. Craignaient-ils Dieu quand ils rougissaient leurs tomahawks du sang de leurs frères ? Craignaient-ils Dieu ceux qui prirent au Mangeur-de-Feu tout ce que nous lui avions donné, et qui l’en privèrent lui, son enfant et l’enfant de son enfant ? Vivaient-ils en paix avec les hommes ?

— Tels sont, les usages des blancs, John ; et les Delawares n’en font-ils pas autant ? Ne combattent-ils pas d’autres tribus indiennes ? N’échangent-ils pas leurs terres pour de la poudre, des couvertures et d’autres marchandises ?

— Ou sont les couvertures et les marchandises qui ont acheté les droits du Mangeur-de-Feu ? Les a-t-il emportées dans son Wigwam ? Lui a-t-on dit : — Frère, donne-nous tes terres, et prends cet argent, ces couvertures, ce rhum, ces fusils ? Non. Ils lui ont arraché toutes ses possessions, comme on arrache la chevelure à un ennemi vaincu, et ils ne se sont pas même retournés pour voir s’il vivait encore, ou s’il était mort. Vivaient-ils en paix, craignaient-ils Dieu ceux qui ont agi ainsi ?

— Je comprends à peine ce que vous voulez dire, Mohican.