placé à la droite du vieillard, essuyait de temps en temps une grosse larme qui lui tombait des yeux, et Edwards, à sa gauche, le regardait d’un air de tendresse et de compassion.
Tous les yeux étaient fixés sur ce groupe, mais chacun gardait le silence. Enfin le vieillard, après avoir regardé successivement tous ceux qui l’entouraient, fit un effort pour se soulever à demi sur son fauteuil, par un reste de politesse habituelle, salua à la ronde, et dit d’une voix cassée et tremblante :
— Ayez la bonté de vous asseoir, Messieurs ; le conseil s’ouvrira dans un instant. Tous ceux qui aiment un monarque bienfaisant et vertueux doivent concourir à maintenir la loyauté dans ces colonies. Asseyez-vous, je vous en prie, Messieurs ; les troupes feront halte cette nuit.
— Qui expliquera cette scène ? dit Marmaduke ; c’est le délire de la folie !
— Non, Monsieur, répondit Edwards avec fermeté ; c’est la défaillance de la nature. Il ne reste qu’à montrer qui l’on doit accuser de l’état déplorable où ce vieillard se trouve réduit.
— Ces messieurs dîneront avec nous, mon fils, dit le vieillard se tournant vers Edwards, en entendant une voix qu’il reconnaissait et qui lui était chère. Ordonnez un repas digne des officiers de Sa Majesté. Vous savez que nous avons toujours le meilleur gibier à nos ordres.
— Qui est cet homme ? demanda Marmaduke d’une voix agitée, et qui annonçait qu’il commençait à former quelques conjectures.
— Qui est cet homme ? répéta Edwards d’une voix calme, mais s’animant à mesure qu’il parlait ; — cet homme, que vous voyez vivant dans une caverne, Monsieur, et privé de tout ce qui peut rendre la vie désirable, fut autrefois le compagnon et le conseiller de ceux qui gouvernaient ce pays. Cet homme si faible et si cassé fut un guerrier si brave et si intrépide, que toutes les nations indiennes l’avaient surnommé le Mangeur-de-Feu. Cet homme, qui n’a plus même une cabane pour couvrir sa tête, était riche autrefois, juge Temple, et légitime propriétaire du sol sur lequel nous nous trouvons.
— C’est donc, s’écria Marmaduke, d’une voix entrecoupée par une vive émotion, c’est donc le major Effingham, disparu depuis quelque temps ?