Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/401

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— Bien certainement, Monsieur, répondit Effingham avec un sourire amer.

— Chacun de nous embrassa un parti politique différent. Si la cause de l’Amérique triomphait, votre père ne risquait rien, car personne ne savait que j’étais dépositaire de sa fortune ; il n’en existait ni preuve ni trace. Si, au contraire, l’Angleterre reprenait son autorité sur ce pays, qui pouvait trouver mauvais que je rendisse à un sujet aussi loyal que le major Effingham tout ce qui lui appartenait ? Cela ne vous paraît-il pas clair ?

— Continuez, Monsieur ; je ne vous interromps pas, dit le jeune homme avec le même air d’incrédulité.

— C’être pure férité ! s’écria le major Hartmann ; moi fous dire qu’il n’y afoir pas un seul cheveu de coquin sur la tête du juge Temple.

— Nous savons tous quelle fut l’issue de cette lutte, continua Marmaduke. Votre aïeul fut laissé dans le Connecticut, où il recevait régulièrement de votre père les moyens d’existence qui lui étaient nécessaires. Je le savais parfaitement, quoique je n’eusse jamais vu le major. Votre père se retira dans la Nouvelle-Écosse, et s’occupa à réclamer les indemnités que lui devait l’Angleterre. Elles étaient considérables, car tous ses biens avaient été confisqués, et je m’en étais rendu acquéreur. N’était-il pas naturel que je désirasse qu’on fît droit à ses justes réclamations ? Or elles tombaient d’elles-mêmes si j’avais annoncé publiquement que je n’avais acheté ses biens, dont mon industrie a centuplé la valeur, que dans l’intention de les lui rendre, et que je ne m’en regardais que comme l’administrateur. Vous savez que, depuis la guerre, je lui ai fait passer à diverses époques des sommes considérables ?

— Oui, vous l’avez fait jusqu’à ce que…

— Jusqu’à ce qu’il m’eût renvoyé mes lettres non décachetées. Vous ressemblez un peu à votre père, Olivier ; il était vif et impétueux. Au surplus, peut-être ai-je eu tort moi-même de pousser si loin mes calculs. Peut-être n’aurais-je pas dû lui laisser ignorer si longtemps mes véritables intentions, pour l’exciter à faire valoir avec plus d’activité ses réclamations contre l’Angleterre. Cependant, quand je vis qu’il refusait de recevoir l’argent que je lui envoyais, je lui écrivis pour lui faire connaître la vraie situation des choses, et il m’aurait rendu justice plus tôt, s’il n’avait pas persisté à me renvoyer mes lettres sans les ouvrir ;