chefs les plus vaillants et les plus expérimentés de ces Mohicans, ils recommencèrent à faire de temps en temps des expéditions contre leurs anciens ennemis, et quelquefois même contre les Européens.
Parmi ces guerriers mohicans, il se trouvait une famille distinguée par-dessus toutes les autres par sa bravoure, et par toutes les qualités qui constituent le héros chez les guerriers d’une nation sauvage. Mais le temps, la guerre et les privations de toute espèce avaient fini par l’éteindre, ou à peu près, car le seul représentant de cette race jadis illustre et nombreuse était l’Indien qui venait d’entrer dans le salon de Marmaduke Temple. Il avait longtemps vécu avec les blancs, avait fait la guerre avec eux, et, en ayant reçu un bon accueil à cause des services qu’il leur avait rendus, il s’était fait chrétien, et avait été baptisé sous le nom de John. Il avait cruellement souffert dans la dernière guerre ; car, ayant été surpris avec sa troupe par l’ennemi, toute sa famille fut massacrée ; et quand les faibles restes de sa tribu éteignirent leurs feux sur les bords de la Delaware, pour s’enfoncer plus avant dans l’intérieur, il refusa de les suivre, voulant que ses restes fussent couverts par la même terre qui couvrait ceux de ses ancêtres, et où ils avaient, en quelque sorte, régné si longtemps.
Ce n’était pourtant que depuis quelques mois qu’il avait paru sur les montagnes voisines de Templeton. Il faisait de fréquentes visites à la butte de Natty, et comme toutes les habitudes de Bas-de-Cuir le rapprochaient beaucoup de la race sauvage, cette espèce de liaison n’excitait aucune surprise ; ils finirent même par habiter la même cabane, prenant leurs repas ensemble et partageant les mêmes occupations.
Nous avons déjà fait connaître le nom de baptême de cet ancien chef mohican ; mais, lorsqu’il parlait de lui-même, il se nommait toujours Chingachgook, ce qui, dans sa langue, signifiait le Grand-Serpent. Il avait obtenu ce nom, dans sa jeunesse, par sa valeur et sa prudence ; mais lorsque le temps eut sillonné son front, et qu’il fut resté le dernier de sa famille et même de sa tribu, le peu de sauvages qui habitaient encore le long des rives de la Delaware lui donnèrent un nom expressif, le nommant le Mohican. Le son d’un tel nom, en lui rappelant sa famille détruite et sa nation dispersée, produisait peut-être une impression profonde sur le cœur de ce vieux chef, car ce n’était que dans les occasions