Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/88

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çais, Marmaduke avait reconnu en lui un homme bien élevé qui avait vu des jours plus prospères dans son pays natal. Il le soupçonna d’abord d’être un des colons de Saint-Domingue, ou des autres îles françaises, dont un grand nombre, réfugiés en Amérique, y vivaient dans le besoin, et quelques-uns même dans un dénuement absolu. M. Le Quoi n’était pas tout à fait dans cette fâcheuse position. — Il n’avait, disait-il, sauvé que peu de chose des débris de sa fortune ; mais ce qu’il désirait c’était de savoir quel était l’emploi le plus avantageux qu’il pourrait en faire.

Les connaissances de Marmaduke étaient éminemment pratiques ; personne ne pouvait mieux que lui indiquer à un nouvel arrivé les moyens de tirer le meilleur parti possible des ressources faibles ou considérables qu’il avait à sa disposition. D’après son avis, M. Le Quoi acheta un assortiment d’étoffes de diverses espèces, de merceries, de thé, de tabac, de quincaillerie, de poteries, en un mot, tout ce qui est indispensable aux besoins de l’homme, et qu’il peut se procurer à peu de frais. Il y ajouta même quelques objets de luxe, comme de petits miroirs, des rubans, et quelques schalls de soie. De toutes ces marchandises, il ouvrit une boutique à Templeton, où il n’en existait pas encore, et figura derrière un comptoir avec les mêmes grâces qu’il aurait déployées dans toute autre situation. Ses manières douces et polies contribuèrent à lui donner de la vogue ; et les dames découvrirent bientôt qu’il avait du goût, que ses étoffes étaient les meilleures, ou du moins les plus jolies qu’on eût jamais vues dans le pays, et qu’il était impossible de marchander avec un homme dont la bouche était toujours pleine de si aimables paroles. Grâce à tous ces moyens réunis, les affaires de M. Le Quoi prospérèrent, et il était généralement regardé comme le personnage le plus important, après M. Temple, qui se trouvât sur toute la patente.

Ce terme patente, dont nous nous sommes déjà servi, et dont nous aurons peut-être encore occasion de nous servir, signifie ici l’étendue de terrain qui avait été autrefois accordée au major Effingham par des lettres patentes du roi, et qui appartenait alors à M. Temple en vertu de l’acquisition qu’il en avait faite lors de la confiscation de tous les biens du major. On donnait généralement ce nom aux concessions de terre faites par le gouvernement à des particuliers dans les nouveaux établissements, et l’on y ajoutait