Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyager dans un pays qui appartient maintenant aux États-Unis.

— Qu’avons-nous ici ? s’écria le naturaliste en dépliant un grand parchemin. Comment ? la signature du philosophe Jefferson ! — le sceau de l’État ! — le contre-seing du ministre de la guerre ! — C’est véritablement une commission de capitaine d’artillerie, accordée à Duncan Uncas Middleton.

— À qui ? à qui ? s’écria le Trappeur, qui était resté assis pendant toute cette conversation, et qui regardait l’étranger avec des yeux qui semblaient vouloir saisir tous ses traits ; quel est son nom ? Ne l’avez-vous pas appelé Uncas ? — Uncas ! est-ce bien Uncas ?

— Tel est mon nom, répondit le jeune homme ; c’est celui d’un chef d’une tribu des naturels du pays ; et mon oncle et moi nous sommes fiers de le porter, parce que c’est en mémoire d’un service important rendu à notre famille par un guerrier dans les anciennes guerres des provinces.

— Uncas ! vous l’avez appelé Uncas ! répéta le vieillard en se levant ; et, s’approchant du jeune étranger, il sépara les boucles de cheveux noirs qui lui tombaient sur le front, sans que celui-ci, quoique fort surpris, y opposât aucune résistance.

— Mes yeux sont vieux, continua le Trappeur ; ils ne sont plus aussi perçants que lorsque j’étais moi-même un guerrier, mais je puis reconnaître les traits du père dans ceux du fils. Je les ai reconnus dès qu’il s’est approché ; mais depuis ce temps, il s’est passé tant de choses devant mes yeux affaiblis, que je ne pouvais me dire ou j’avais vu sa ressemblance. — Dites-moi, jeune homme, quel est le nom de votre père ?

— Le même que le mien. Il était officier au service des États-Unis pendant la guerre de la révolution. Le frère de ma mère se nommait Duncan Uneas Heyward.

— Encore Uncas ! encore Uncas ! s’écria le vieillard en tremblant d’émotion ; et son père ?

— Portait les mêmes noms, à exception de celui du chef d’une des peuplades du pays. Ce fut à lui et à mon aïeule que fut rendu le service dont je viens de parler[1].

— Je le savais ! je le savais ! s’écria le Trappeur d’une voix tremblante ; et sur ses traits raidis par l’âge on distinguait une vive émotion, comme si ces noms qu’il venait d’entendre eussent

  1. Il n’est pas inutile de rappeler encore ici au lecteur la liaison qui existe entre le Dernier des Mohicans et la Prairie : l’intervalle est rempli par les événements des Pionniers.