Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/134

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le fruit de ses habitudes, et l’on pouvait même en dire autant de ses préjugés. En courage, il était égal à ses compagnons à peau rouge ; en science militaire, il leur était supérieur, parce qu’il avait été mieux instruit. En un mot, c’était un noble rejeton sorti du tronc de la nature humaine, et qui n’avait pu atteindre l’élévation et l’importance qu’il aurait dû acquérir, uniquement parce qu’il croissait dans la forêt. C’était en ces termes, vieillard, que mon aïeul parlait d’un homme que vous traitez avec un mépris si déplacé !

Pendant que Middlelon parlait ainsi avec ce ton de chaleur généreuse si naturel à la jeunesse, le vieillard avait les yeux fixés sur la terre ; ses doigts jouaient tantôt avec les oreilles de son chien, tantôt avec les bords de ses vêtements ; il ouvrait et formait le bassinet de son fusil d’une main qui tremblait de manière à faire croire qu’elle n’était plus en état de le manier.

— Votre grand-père n’avait donc pas tout à fait oublié l’homme blanc ? demanda le Trappeur quand le jeune homme eut cessé de parler.

— Il l’avait si peu oublié, qu’il y a dans notre famille trois personnes qui en portent le nom.

— Qui en portent le nom, dites-vous ? s’écria le vieillard en tressaillant. Quoi ! des hommes riches, élevés, honorés, et, ce qui vaut mieux encore, des hommes justes portent son nom, — son véritable nom ?

— C’est celui de mon frère et de deux de mes cousins, quel que soit leur titre aux épithètes dont vous venez de vous servir.

— Son nom véritable ? écrit avec les mêmes lettres ? — commençant par un N et finissant par un L[1].

— Exactement, répondit le jeune officier en souriant ; non, non, nous n’avons rien oublié de ce qui le concerne. J’ai en ce moment, à peu de distance d’ici, un chien qui poursuit un daim, et qui descend d’un chien que ce batteur d’estrade a envoyé à mon aïeul. Il l’avait dressé lui-même, et dans toute l’étendue des États-Unis on n’en trouverait pas un de meilleure race pour suivre le gibier à la piste ou le forcer à la course.

— Hector, dit le vieillard à son chien, d’un ton à peu près semblable à celui qu’il aurait pris pour parler à un enfant, et s’efforçant de vaincre une émotion qui lui permettait à peine

  1. Nathaniel, et par contraction Natty, nom du chasseur dans le Dernier des Mohicans.