Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/188

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l’avait entendue offrir des vœux au ciel pour son bonheur et sa conversion ; il ne l’y trouva point, et il resta plongé dans l’incertitude pénible des doutes et des conjectures.

Pendant plusieurs heures un soupçon secret des motifs de sa femme l’engagea à mettre dans ses recherches du mystère et des précautions. Mais comme le jour parut sans la rendre à la tendresse de son père et de son mari, toute réserve devint inutile, et l’on proclama hautement son inconcevable absence. On fit ouvertement les recherches les plus exactes pour découvrir ce qu’Inez était devenue, mais elles ne produisirent aucun résultat. Personne ne l’avait vue, personne n’avait entendu parler d’elle depuis l’instant où elle était sortie de la chaumière de sa nourrice.

Les jours se succédèrent, et toutes les recherches que l’on continuait ne purent en faire apprendre aucune nouvelle. Enfin on perdit tout espoir, et ses parents et ses amis la regardèrent comme perdue pour toujours.

Un événement d’une nature si extraordinaire ne pouvait s’oublier promptement. Il donna naissance à une foule de bruits, de conjectures, et même de mensonges. L’opinion qui prévalut parmi ceux des émigrants qui couvraient le pays, et à qui la multitude de leurs occupations laissait le loisir de s’occuper des affaires des autres, était tout simplement que l’épouse absente avait elle-même volontairement mis fin et ses jours. Le père Ignace avait des doutes et quelque componction de conscience, mais en habile capitaine il chercha à tirer parti de ce fatal événement pour le rendre utile à la foi pour laquelle il combattait. Changeant de batteries, il dit à ses plus vieux paroissiens qu’il s’était trompé sur les dispositions de Middleton, et qu’il était maintenant forcé de croire qu’il était complètement enfoncé dans le bourbier de l’hérésie. Il fit reparaître ses reliques, et se permit même de nouveau quelques allusions sur le sujet délicat et presque oublié des miracles modernes. Le résultat de la conduite du vénérable prêtre fut que ses ouailles les plus ferventes finirent par se persuader qu’Inez avait été transportée au ciel.

Don Augustin avait tous les sentiments d’un père, mais ils étaient étouffés sous l’indolence d’un créole. Comme son directeur spirituel, il commença à croire qu’il avait eu tort de mettre dans les bras d’un hérétique une jeune fille si pure, si innocente, et surtout si pieuse, et il finit par se persuader que le malheur dont sa vieillesse avait été frappée était la punition de sa présomption