Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/189

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et de son manque de fermeté dans les principes de sa foi. Il est vrai que lorsque les bruits qui couraient dans la paroisse arrivèrent à ses oreilles, il trouva quelque consolation en cherchant à se persuader qu’ils étaient vrais ; mais la nature était trop puissante ; et sa voix parlait trop haut à son cœur pour qu’il pût écarter de son esprit la pensée rebelle que la part de l’héritage céleste que sa fille venait d’obtenir était un peu prématurée.

Mais Middleton, amant, époux, était accablé sous le poids de ce coup aussi terrible qu’inattendu. Élevé sous l’empire d’une foi simple et raisonnable qui ne cherche à rien cacher à ceux qui la professent[1], ses appréhensions étaient principalement fondées sur l’esprit superstitieux qu’il connaissait à son épouse. Il est inutile d’appuyer sur les tortures mentales qu’il endura, les conjectures qu’il forma, les espérances qu’il conçut, le désespoir qui y succéda, pendant les premières semaines qui suivirent cette calamité. Un soupçon secret que des motifs religieux avaient influé sur la disparition d’Inez, le soutenait au milieu des recherches qu’il continuait à faire : mais enfin le temps commençait à le priver même de la triste consolation qu’elle l’avait volontairement abandonné, quoique peut-être seulement pour un certain temps, quand ses espérances se ranimèrent tout à coup d’une manière fort singulière.

Après une parade du soir, le jeune officier retournait triste et à pas lents à son logis, situé à quelque distance du camp, quoique renfermé dans les lignes, quand ses yeux distraits s’arrêtèrent sur un homme qui, d’après les lois militaires, ne devait pas se trouver en cet endroit à une pareille heure. Cet étranger était mal vêtu, et tout annonçait en lui la pauvreté, la crapule, et les habitudes les plus dissolues. Le chagrin avait adouci la fierté militaire de Middleton, et en passant près de ce misérable, il lui dit avec un ton de douceur ou plutôt de bonté :

— Vous passerez la nuit au corps-de-garde, l’ami, si la patrouille vous trouve ici. Prenez ce dollar, et allez chercher ailleurs un gîte et quelque chose à mettre sous la dent.

— J’avale ma nourriture sans avoir besoin de la mâcher, capitaine, répondit le vagabond en saisissant avec toute l’ardeur d’une âme vile et intéressée l’argent qui lui était offert ; donnez-moi dix-neuf autres pièces semblables, et je vous vendrai un secret.

  1. Toute religion à ses mystères, disons plus, ses superstitions, la religion de Middleton comme celle de don Augustin.