Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/222

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nommés pour leurs chevaux ; et il arrive souvent que vous voyez dans les Prairies un de leurs guerriers mieux même qu’un membre du congrès dans les habitations. Mais ce cheval est véritablement un animal qui ne doit appartenir qu’à un chef puissant ; la selle, comme vous le pensez avec raison, a eu pour maître dans son temps quelque grand capitaine espagnol qui l’aura perdue avec la vie dans quelque combat contre ces Indiens, dans les provinces méridionales. Je réponds et je garantis que ce jeune homme est fils de quelque grand chef, peut-être du fameux Cœur-Dur lui-même.

Pendant l’interruption apportée ainsi sans cérémonie à l’entretien, le jeune Pawnie ne montra ni impatience ni mécontentement ; mais quand il crut qu’on avait eu assez de temps pour discuter sur le mérite de sa monture, il s’en approcha tranquillement, et avec l’air d’un homme habitué à voir respecter ses volontés, reprit la bride des mains de Paul, et jetant les rênes sur le cou de l’animal, lui sauta sur le dos avec la légèreté d’un maître d’équitation. Dès qu’il y fut assis, personne n’aurait pu déployer plus de grâce et de fermeté. La selle pesante et chargée d’ornements était évidemment un objet de luxe plutôt que d’utilité. Bien loin de faciliter l’action de ses membres, elle semblait la gêner, car ses pieds dédaignaient de chercher l’assistance, ou pour mieux dire de se soumettre à la contrainte d’une invention aussi efféminée que des étriers. Le cheval, qui se mit sur-le-champ à se cabrer, était, comme son cavalier, sauvage et volontaire dans tous ses mouvements ; mais si ni l’un ni l’autre ne devaient rien à l’art, ils montraient tous deux l’aisance et la grâce de la nature. L’animal devait peut-être son excellence au sang d’Arabie, croisé pendant plusieurs générations par quelques autres races, qui embrassaient le coursier du Mexique, le barbe d’Espagne, et le cheval de bataille de Mauritanie. Le cavalier, en choisissant sa monture dans les provinces centrales de l’Amérique, y avait aussi acquis l’art de le maîtriser avec cette grâce et cette force dont la réunion forme le cavalier accompli.

Quoiqu’il se fût remis si subitement en possession de sa monture, le Pawnie ne montra nullement l’envie de s’éloigner à la hâte. Plus à l’aise et probablement plus indépendant, maintenant qu’il était assuré de ses moyens de retraite, il courait à droite et à gauche, examinant les divers individus qui composaient ce petit groupe avec plus de liberté qu’avant ; mais à l’extrémité de sa