Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/227

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que des points noirs presque imperceptibles, marqués sur les nuages ; mais comme ils avançaient rapidement, leur forme se dessina mieux, et il les vit enfin agiter leurs ailes pesantes.

— Écoutez ! dit le vieillard après avoir réussi à faire voir à Middleton la colonne mobile de vautours ; maintenant vous entendez les buffles, ou les bisons, comme votre savant docteur juge à propos de les nommer, quoique le nom de buffles soit celui que leur donnent tous les chasseurs de ces plaines. Or, il me semble, ajouta-t-il en s’adressant à Middleton par un clignement d’œil, qu’un chasseur est un meilleur juge d’un animal et de son nom, qu’un homme qui a tourné les pages d’un livre au lieu de parcourir la surface de la terre, afin de connaître le nom et la nature des créatures qui l’habitent.

— En ce qui concerne leurs habitudes, j’en conviens, s’écria le naturaliste, qui laissait rarement échapper l’occasion de discuter une question relative à ses études favorites ; c’est-à-dire pourvu qu’on ait toujours égard à l’usage convenable des définitions, et qu’on les contemple avec l’œil de la science.

— L’œil de la science ! l’œil d’une taupe ! dit le Trappeur ; comme si les yeux de l’homme n’étaient pas aussi bons, pour donner des noms, que les yeux de toute autre créature ! Qui a nommé les ouvrages de la main de Dieu ? Pouvez-vous me le dire, avec vos livres et votre science de collège ? n’est-ce pas le premier homme dans le jardin ? Et n’est-ce pas une conséquence que ses enfants aient hérité de ses droits ?

— C’est certainement ainsi que Moïse rend compte de cet événement, dit le docteur ; mais vous lisez les choses trop littéralement.

— Moi, je lis ! s’écria le Trappeur ; si vous supposez que j’aie perdu mon temps à l’école, vous me faites tort, et vous êtes aussi injuste à mon égard qu’un homme peut l’être envers un autre, sans raison suffisante. Si j’ai jamais appris à lire, c’était pour pouvoir connaître ce qui est écrit dans le livre dont vous parlez ; car c’est un livre dont chaque ligne parle le langage des sentiments humains, et par conséquent de la raison.

— Et croyez-vous donc, dit le docteur un peu piqué du ton dogmatique de son adversaire opiniâtre, et se fiant peut-être un peu trop à la supériorité de ses lumières, croyez-vous que tous les animaux étaient littéralement réunis dans le jardin pour être enrôlés dans la nomenclature du premier homme ?