Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/232

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daient à droite ou à gauche comme au hasard. Mais de nouveaux mugissements partirent de l’arrière-garde, qui avançait toujours et qui força les premiers à se mettre en marche. Cependant la tête du troupeau se divisa, le corps immobile du vieux Trappeur semblant obliger ce torrent à se partager en deux branches. Middleton et Paul suivirent aussitôt son exemple, et opposèrent aussi à ces animaux sauvages la faible barrière de leurs bras.

Pendant quelques instants, la nouvelle et double impulsion, donnée au troupeau par les bisons qui marchaient en tête servit à protéger le petit bois. Mais lorsque la masse tout entière arriva plus près des défenseurs du couvert, et que la poussière qu’elle faisait lever rendit leurs personnes moins visibles, il avait à craindre à chaque instant que quelques-uns de ces animaux ne passassent entre eux. Il devint donc nécessaire au Trappeur et à ses deux compagnons d’être plus alertes que jamais ; et ils redoublèrent d’efforts ; mais ils cédèrent graduellement du terrain devant la multitude de leurs ennemis, quand un bison furieux, courant à toutes jambes, passa si près de Middleton qu’il toucha ses habits, et, l’instant d’après, entra dans le bois avec la rapidité du vent.

— Attaquez, chassez-le au risque de la vie ! s’écria le vieillard, sans quoi un millier de ces démons vont être sur ses talons !

Cependant tous leurs efforts pour arrêter ce torrent vivant seraient alors devenus infructueux, si le hasard n’eût voulu que l’âne, dont les domaines venaient d’être si brusquement envahis, n’eût élevé sa voix au milieu du tumulte. Les plus furieux bisons tremblèrent à ce cri inconnu et alarmant, et tous se détournèrent à la hâte de ce bois dans lequel, un instant auparavant, ils avaient voulu entrer avec l’ardeur du meurtrier qui cherche à gagner un sanctuaire.

La masse étant alors bien décidément divisée, toute crainte disparut. Les deux noires colonnes passèrent de chaque côté du bois, et se réuniront à l’autre bout, à environ un mille de distance. Dès l’instant que le vieillard vit l’effet soudain que la voix de l’âne avait produit, il ramassa son fusil, et s’occupa tranquillement à le recharger, avec ce rire silencieux qui lui était particulier.

— Les voilà qui s’en vont comme des chiens à la queue desquels on a attaché un poêlon, dit-il, il n’y a pas des danger que ceux, qui restent changent l’ordre de leur marche ; car, quoique ces brutes qui sont en arrière n’aient pu rien entendre, elles feront comme