Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/246

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lence, causé par la surprise, dura quelques instants. Mahtoree, qui ne souffrit pas qu’un seul muscle de sa physionomie révélât son étonnement, prit un air de civilité emprunté, et fit un geste dirigé vers la petite troupe. Son visage fier et bronzé s’anima d’un sourire semblable aux rayons brillants du soleil couchant qui éclairent les nuages charges du fluide électrique prêt à faire explosion. Il ne daigna ni parler, ni indiquer autrement quelles étaient ses intentions ; seulement il appela ses compagnons, qui étaient restés à quelque distance, et toute la troupe accourut à lui avec l’empressement de soldats bien disciplinés.

Pendant ce temps, les amis du Trappeur continuaient à s’avancer. Middleton était à leur tête soutenant la taille légère et aérienne d’Inez, sur le visage inquiet et expressif de laquelle il jetait de temps en temps des regards qui exprimaient l’intérêt tendre d’un père. Paul le suivit immédiatement, donnant le bras à Hélène : mais quoique les yeux du chasseur d’abeilles se tournassent souvent vers sa compagne, son aspect sombre le faisait ressembler à un ours forcé de battre en retraite, plutôt qu’à un amant favorisé et content de son bonheur. Obed et l’âne formaient l’arrière-garde, le docteur conduisant son compagnon avec l’air d’une affection presque égale à celle d’un amant pour sa maîtresse.

La marche du naturaliste était moins rapide que celle des quatre individus qui le précédaient. On aurait dit que ses jambes se refusaient également à avancer et à rester stationnaires. Sa position avait une grande analogie avec celle du cercueil de Mahomet, si ce n’est que c’était une force de répulsion et non d’attraction qui le maintenait dans une sorte d’équilibre. Cependant la force révulsive qui agissait par derrière paraissait prédominer, et par une singulière exception, comme il l’aurait dit lui-même, à tous les principes de physique, elle semblait s’augmenter par la distance au lieu de s’affaiblir. Comme les yeux du naturaliste se portaient constamment vers un point tout à fait opposé à celui vers lequel il s’avançait, les mouvements de ces nouveaux-venus suivirent la même direction, ce qui fournit un fil pour arriver à l’explication des motifs mystérieux qui les avaient fait sortir si inopinément du couvert.

Un autre groupe d’hommes vigoureux et bien armés se fit apercevoir à quelque distance, tournant un coin du bois, et s’avançant en ligne directe, quoique avec circonspection, vers l’endroit où les Sioux avaient fait halte, comme on voit une escadre de