Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/26

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plutôt qu’une question, et la bouche remplie presque à comble du délicieux hommany, préparé par sa femme, qui, toute repoussante qu’elle était, n’en était pas moins une habile cuisinière. — On nous a dit en bas que nous trouverions les habitants un peu clairsemés par ici, et je dois convenir qu’on ne nous avait pas trompés ; car, à l’exception des marchands du Canada sur la grande rivière, vous êtes la première figure blanche que nous ayons rencontrée depuis cinq cents grands milles, à compter du moins d’après votre propre calcul.

— Quoique j’aie passé plusieurs années dans cette contrée, on ne peut guère dire que j’y sois établi, attendu que je n’ai pas de demeure fixe, et qu’il est rare que je passe plus d’un mois de suite dans le même endroit.

— Votre état est sans doute celui de chasseur ? reprit l’émigrant jetant un regard de côté comme pour examiner l’accoutrement de sa nouvelle connaissance. Vos armes ne semblent pas être des meilleures pour un pareil métier.

— Elles sont vieilles, et tirent à leur fin comme leur maître, dit le vieillard en jetant sur sa carabine un regard où se peignaient tout à la fois le regret et l’affection ; et je puis dire aussi qu’elles n’ont plus grande occupation. Ami, vous vous trompez en me donnant le nom de chasseur ; je ne suis rien de mieux qu’un trappeur[1].

— Si vous êtes principalement l’un, je puis dire avec raison que vous êtes tant soit peu l’autre ; car les deux états vont presque toujours ensemble dans ces districts.

— À la honte de l’homme à qui ses forces permettent encore de chasser ! s’écria le Trappeur, auquel nous continuerons à donner ce nom à l’avenir. Pendant plus de cinquante ans j’ai porté ma carabine dans les déserts sans dresser le plus petit piège même à l’oiseau qui vole dans les airs, bien moins encore au pauvre animal qui n’a été doué que de pattes pour tout avantage.

— Qu’un homme se procure les peaux qui lui sont nécessaires pour se couvrir, à l’aide du fusil ou de la trappe, dit le compagnon de mauvaise mine de l’émigrant avec son air morose et bourru, je n’y vois pas grande différence. La terre n’a-t-elle pas

  1. Il est à peine nécessaire d’expliquer que ce mot américain s’applique au chasseur qui prend son gibier dans une trappe. C’est une coutume générale sur les frontières. Le castor, animal trop subtil pour être aisément tué, est plus souvent pris de cette manière que d’aucune autre.