Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/267

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pourtant il dédaignait de parler, d’appeler du secours ou d’avouer sa position critique ! Voilà comme ils sont, c’est un de leurs privilèges, et il le soutint noblement !

— Dites-moi, Trappeur, s’écria Paul, qui, satisfait de sentir que le bras de sa chère Hélène était passé sous le sien, avait gardé jusque alors un silence qui ne lui était pas ordinaire ; le jour, mes yeux sont aussi perçants que ceux de l’oiseau-mouche, mais j’avoue que la nuit, à la clarté des étoiles, ils ne valent pas le diable. Qu’est-ce que je vois se traîner là-bas dans ce bas-fonds ? est-ce un buffle, ou bien est-ce quelque bête égarée des troupeaux du sauvage ?

Ils s’arrêtèrent tous pour examiner l’objet sur lequel Paul avait attiré leur attention. Ils suivaient autant que possible les petites vallées, afin d’échapper plus aisément aux regards ; mais dans ce moment ils venaient de monter sur une des collines ondoyantes de la Prairie où la vue dominait sur l’endroit indiqué.

— Descendons, dit Middleton ; bête ou homme, nous sommes trop forts pour avoir rien à craindre.

— Parbleu ! si la chose n’était pas moralement impossible, dit le Trappeur, qui, comme le lecteur a déjà pu le remarquer plus d’une fois, ne se piquait pas d’employer toujours les mots dans leur véritable acception, si la chose n’était pas moralement impossible, je dirais que c’est l’homme qui court à la recherche des reptiles et des insectes, notre compagnon de voyage, le docteur.

— Et pourquoi donc impossible ? ne lui avez-vous pas dit de suivre cette direction pour nous rejoindre ?

— Oui, mais je ne lui ai pas dit de faire galoper un âne plus vite qu’un cheval. — Ma foi, vous avez raison, oui, dit le Trappeur en s’interrompant lui-même, ses yeux le convainquant de plus en plus, à mesure que la distance diminuait, que c’était bien Obed et asinus qu’il voyait devant lui, — vous avez raison, quoique la chose tienne du prodige. Mon Dieu, que la peur est une singulière chose ! Parbleu, mon ami, vous avez fait une terrible diligence pour prendre une telle avance sur nous en si peu de temps ! Savez-vous que votre âne a fait merveilles !

Asinus n’en peut plus, répondit le naturaliste d’un air consterné. Certes la pauvre bête n’est pas restée oisive depuis que nous nous sommes quittés ; mais, hélas ! j’ai beau faire ; malgré toutes mes admonitions, elle refuse d’aller plus loin. J’espère