Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/272

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sérieuse, procédons avec ordre et entendons-nous bien. Vous parlez de l’ignorance, tandis que ma mémoire se reporte sur ces bijoux inappréciables que j’ai eu le bonheur de contempler au milieu des glorieux trésors de l’Ancien Monde.

— L’Ancien Monde ! répéta le Trappeur ; c’est le cri de tous les mécréants affamés qui viennent dans ce pays de bénédiction, depuis les jours de mon enfance. Ils n’ont que cela à la bouche : l’Ancien Monde ! comme si le Seigneur n’avait pas eu le pouvoir aussi bien que la volonté, de créer l’univers en un seul jour, et qu’il n’eût pas réparti également ses dons, quoiqu’ils n’aient pas été reçus avec le même esprit ni employés avec une égale sagesse ; s’ils disaient un monde usé, corrompu et sacrilège, ils pourraient n’être pas si loin de la vérité !

Le docteur Battius, qui avait beaucoup de peine à avoir un engagement régulier avec un adversaire qui changeait à chaque instant le sujet de la discussion, toussa de nouveau, et au lieu de lâcher prise, il suivit le Trappeur sur son nouveau terrain, et se mit à l’attaquer derechef.

— Par l’Ancien et le Nouveau Monde, mon excellent ami, dit-il, il ne faut pas entendre que les collines et les vallées, les rochers et les rivières de cette moitié du globe ne portent pas, physiquement parlant, une date aussi ancienne que l’emplacement où se trouvent les ruines de Babylone. On veut dire simplement que son existence morale n’est pas co-légale à sa création physique ou géologique.

— Hem ! dit le vieillard en regardant le philosophe en face, comme pour lui demander une explication.

— C’est-à-dire que, sous le rapport de la civilisation et des mœurs, ce monde-ci n’est pas connu depuis aussi longtemps que les autres pays de la chrétienté.

— Tant mieux, ma foi, tant mieux. Je ne suis pas grand partisan de vos vieilles mœurs, comme vous les appelez, car j’ai toujours trouvé, — et j’ai vécu longtemps au cœur même de la nature, — oui, j’ai toujours trouvé que vos vieilles mœurs ne sont pas des meilleures. Les hommes embrouillent et contournent les lois du Seigneur à leur gré, et c’est ainsi que leur infernale malice se joue de ses commandements.

— En vérité, digne chasseur, je ne me fais pas encore comprendre lorsque je dis mœurs ; je ne prends pas ce mot dans son acception littérale et circonscrite ; j’entends les usages d’un peu-