Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/273

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ple, tels qu’ils résultent de ses relations journalières, de ses institutions et de ses lois.

— Et c’est ce que j’appelle abus criants et détestable perversité, s’écria en l’interrornpant son opiniâtre adversaire.

— Eh bien ! soit, répondit le docteur abandonnant l’explication en désespoir de cause. Peut-être ai-je fait une concession trop large, ajouta-t-il à l’instant, dans l’espoir de rattacher quelques arguments scientifiques à un autre anneau de la conversation ; peut-être ai-je fait une concession trop large en accordant que cet hémisphère est littéralement aussi vieux, si l’on considère sa création matérielle, que celui qui comprend les vénérables parties de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique.

— Il est aisé de dire qu’un aulne est moins élevé qu’un pin ; mais il serait difficile de le prouver. Pouvez-vous donner quelque raison pour une croyance aussi perverse ?

— Les raisons sont nombreuses et irréfragables, repartit le docteur se jetant avec délices sur la voie qui lui était ouverte. Regardez les plaines de l’Égypte et de l’Arabie ; leurs déserts de sable sont remplis de monuments qui prouvent leur antiquité ; des relations authentiques nous ont transmis en même temps le souvenir de leur gloire, de sorte que, tout frappés de stérilité qu’ils sont aujourd’hui, nous avons du moins des preuves indubitables de ce qu’ils étaient autrefois ; mais sur ce continent nous cherchons en vain quelques indices qui attestent qu’en aucun temps l’homme soit parvenu au comble de la civilisation, et nous ne sommes pas plus heureux si nous essayons de découvrir le sentier par lequel il serait descendu, dans sa marche rétrograde, à son état actuel de seconde enfance.

— Et que voyez-vous dans tout cela ? demanda le Trappeur qui, quoique un peu dérouté par les expressions bizarres du naturaliste, avait pourtant saisi le fil de ses idées.

— Ce que j’y vois ? la démonstration de mon problème, c’est-à-dire que la nature n’a point créé une région si vaste pour que pendant tant de siècles elle ne fût qu’une solitude inhabitée. Je n’envisage ici le sujet que sous le point de vue purement moral ; quant à la partie géologique…

— Allez ! allez ! votre morale me suffit, répondit le grave vieillard, car j’y trouve l’orgueil même de la folie. Je connais peu les fables de ce que vous appelez l’Ancien Monde, attendu que la plus grande partie de mon temps a été employée à regarder la