Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/283

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également calme, quoique son esprit fût différemment occupé.

— Vénérable Trappeur, lui dit-il, vous avez sans doute souvent vu de semblables expériences prismatiques…

Il fut brusquement interrompu par Paul, qui lui fit tomber les tablettes des mains avec une violence qui prouvait que la confusion qui régnait dans son esprit l’avait emporté sur son égalité d’âme ordinaire. Avant que le docteur eût le temps de se récrier, le vieillard qui, pendant tout ce temps, était resté immobile, comme un homme qui ne sait trop ce qu’il doit faire, mais qui a l’air plus embarrassé qu’alarmé, prit tout à coup un air décidé, comme s’il n’eût plus douté du parti qu’il devait prendre.

— Il est temps d’agir, dit-il, prévenant la controverse qui allait s’élever entre le naturaliste et le chasseur d’abeilles ; il est temps d’oublier les livres et les lamentations, et d’en venir aux actions.

— Vos souvenirs viennent trop tard, misérable vieillard ! s’écria Middleton ; les flammes ne sont plus qu’à un quart de mille de nous, et le vent les fait avancer avec une rapidité effrayante !

— Bah ! les flammes ! je me soucie peu des flammes. Si je savais seulement comment déjouer l’astuce des Tetons, aussi bien que je sais comment nous préserver de l’incendie la Prairie, il ne nous resterait qu’à rendre grâce au ciel de notre délivrance. Appelez-vous cela un incendie ? si vous aviez vu ce que j’ai vu dans les provinces orientales, où d’énormes montagnes étaient comme la fournaise d’un forgeron ; vous sauriez ce que c’est que de craindre les flammes, et vous auriez appris à remercier le ciel d’y avoir échappé. Allons, mes amis, allons, il est temps d’agir et de cesser de parler, car ces tourbillons de flammes arrivent véritablement vers nous comme un élan qui trotte. Arrachez ces herbes desséchées qui nous entourent, et dépouillez-en la terre.

— Est-ce par ce moyen puéril que vous espérez priver le feu de ses victimes ? s’écria Middleton.

Un léger sourire se peignit un instant sur les traits du vieillard, et il répondit avec gravité :

— Votre grand-père aurait dit que, lorsque l’ennemi est en présence, le soldat n’a rien de mieux à faire que d’obéir.

Le capitaine sentit la justesse du reproche, et il imita sur-le-champ l’exemple de Paul, qui, obéissant aux ordres du Trappeur, arrachait l’herbe sèche avec un courage qui tenait du désespoir. Hélène mit aussi la main à l’ouvrage, et Inez s’en occupa pareil-