Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lement, quoique personne ne sût quel était le but et quel serait le résultat de ce travail. On manque rarement de courage quand on croit que la vie sera la récompense des efforts auxquels on se livre. Quelques instants suffirent pour dépouiller d’herbe un espace circulaire d’environ vingt pieds de diamètre. Le Trappeur plaça les deux femmes à l’une des extrémités de ce cercle, et dit à Paul et à Middleton d’envelopper des couvertures qu’ils avaient leurs robes légères et inflammables. Dès que cette précaution eut été prise, le vieillard s’approcha de l’autre extrémité du cercle, où les hautes herbes les environnaient encore de dangers, et, prenant une poignée de celles qui étaient le plus desséchées, il les plaça sur le bassinet de son fusil, y mit le feu en brûlant une amorce, les jeta tout embrasées au milieu des grandes herbes, et se retira près de ses compagnons pour attendre le résultat de cette manœuvre.

L’élément dévorateur saisit avidement les aliments qui lui étaient présentés, et en un instant on vit glisser dans la Prairie des flammes fourchues, comme on voit la langue des animaux ruminants chercher sa nourriture, comme pour en choisir les portions les plus savoureuses.

— Maintenant, dit le vieillard en levant un doigt, et en riant silencieusement à sa manière, vous allez voir le feu combattre le feu. Ah ! je me suis bien des fois brûlé un sentier, uniquement par paresse de me frayer un chemin à travers les hautes herbes.

— Mais cet expédient ne nous sera-t-il pas funeste ? s’écria Middleton avec surprise ; au lieu d’éviter l’ennemi, ne l’amenez-vous pas plus près de nous ?

— Avez-nous la peau si délicate ? demanda le Trappeur. Celle de votre grand-père tétait plus robuste. Mais attendez le résultat, nous vivrons tous pour le voir.

L’expérience du Trappeur ne le trompait pas. À mesure que le feu gagnait de la force, il s’étendait en avant et des deux côtés, et mourait en arrière, faute d’aliments. Tandis qu’il augmentait et que le bruit des flammes en annonçait la violence, il faisait disparaître toutes les herbes devant lui, et laissait le sol noir et fumant plus nu que si la faux y eût passé. La situation des fugitifs aurait pourtant encore été dangereuse si le cercle dans lequel ils se trouvaient ne se fût agrandi en avant, à mesure que les flammes approchaient d’eux en arrière. Mais en avançant à l’endroit où le Trappeur avait mis le feu aux herbes, ils évitèrent les flammes ;