Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/314

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du désert. Entre eux se tenait debout le Trappeur. Il n’avait plus son fusil, sa giberne ni sa poire à poudre, mais on lui avait laissé sa liberté, comme si on avait dédaigné de la lui ravir. Cependant cinq à six jeunes guerriers, le carquois sur le dos et l’arc à la main, rangés à peu de distance et l’œil fixé sur eux, montraient assez que toute tentative que pourrait faire le vieillard pour s’évader serait inutile. Bien différents des autres spectateurs silencieux de la conférence importante, les prisonniers s’entretenaient entre eux des choses qui les intéressaient matériellement.

— Capitaine, dit le chasseur d’abeilles, qui dans les circonstances les plus critiques conservait toujours son enjouement, trouvez-vous aussi que ces maudites courroies de cuir non tanné vous coupent l’épaule, ou bien est-ce le picotement que j’éprouve dans le bras qui produit cet effet ?

— Lorsque l’âme souffre si vivement, le corps est insensible à la douleur, répondit Middleton, qui avait plus de délicatesse, mais non plus de courage. Plût à Dieu que quelques-uns de mes braves artilleurs vinssent tomber sur ce maudit camp !

— Il vaudrait tout autant souhaiter que ces huttes de Tetons fussent autant de ruches remplies de guêpes, et que les insectes sortissent en bataille pour se jeter sur cette horde de sauvages demi-nus. Charmé de sa supposition, qu’il trouvait excellente, le chasseur d’abeilles détourna la tête pour s’y livrer de plus en plus. Il se figurait l’attaque, voyait la patience reconnue des Indiens céder à la longue, et ce jeu de son imagination ardente lui fit du moins oublier un instant son infortune.

Middleton ne jugea pas à propos de rompre le silence ; mais le vieillard, qui les avait écoutés, se rapprocha de quelques pas, et reprit l’entretien.

— Voilà une affaire qui prend une maudite tournure, et dans laquelle il n’y a pas de pitié à attendre, dit-il en branlant la tête de manière à prouver que son expérience elle-même était aux abois, et qu’il ne pouvait trouver aucun moyen de sortir d’un pas aussi critique. Le Pawnie notre ami est déjà attaché au poteau pour la torture, et je vois assez, aux regards et aux gestes du Grand-Sioux, qu’il excite sa bande à commettre de plus grandes atrocités.

— Écoutez, vieux Trappeur, s’écria Paul en se démenant dans ses liens pour apercevoir la figure mélancolique du vieillard : vous, vous connaissez la langue de ces Indiens, et vous êtes aussi tant