Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/342

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garder une figure cuivrée, — oui, cuivrée ; elle ne l’est pas, peut-être ? — et qui, de plus, a un front d’airain.

À cette explosion de paroles causée par l’amour-propre offensé, l’époux judicieux ne chercha pas à opposer de résistance. Il ne se permettait tout au plus, de loin en loin, qu’une simple exclamation, comme pour protester de son innocence ; mais la fureur de sa femme était trop grande pour pouvoir être apaisée. Elle n’écoutait rien ; et bientôt on n’entendit plus que sa voix qui donnait les ordres nécessaires pour le départ.

Le squatter avait chargé ses chariots et préparé ses attelages par mesure de précaution, avant d’en venir à l’extrémité, comme il le méditait. Esther trouva donc tout préparé au gré de ses désirs. Ses enfants se regardaient l’un l’autre en voyant l’agitation extraordinaire de leur mère, mais prenaient du reste peu d’intérêt à un événement qui s’était reproduit si souvent dans leur vie vagabonde. Par l’ordre d’Ismaël, les tentes furent placées en un instant sur les chariots, sorte de représailles par lesquelles il voulait punir le manque de foi de son ancien allié : alors il donna le signal du départ, et les lourdes et pesantes voitures s’éloignèrent avec leur lenteur ordinaire.

Comme une escorte assez nombreuse et bien armée protégeait l’arrière-garde, les Sioux les virent partir sans manifester le moindre symptôme de surprise ou de ressentiment. Le sauvage, ainsi que le tigre, attaque rarement l’ennemi qui l’attend de pied ferme ; et si les Tetons méditaient quelque acte d’hostilité, c’était avec la patience et la ruse traîtresse du chat qui guette le moment où sa victime n’est pas sur ses gardes pour sauter sur elle et la croquer incontinent.

Cependant les projets de Mahtoree, dont la prudence formait à peu près toute la politique de son peuple, étaient ensevelis dans les replis de ses propres pensées. Peut-être n’était-il pas fâché de se voir délivré sans plus de peine d’un hôte dont les prétentions commençaient à le gêner un peu ; peut-être attendait-il une occasion favorable pour déployer ses forces ; peut-être enfin des affaires d’une importance majeure absorbaient-elles tellement toutes ses facultés, qu’il lui était impossible de s’occuper pour l’instant d’un incident si futile en comparaison.

Mais, tout en faisant cette concession au caractère ombrageux et à l’irritabilité de son épouse, il paraîtrait qu’Ismaël n’était rien moins que décidé à renoncer à ses intentions premières. À