Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/42

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certain, c’est que nous courons quelque danger, que ce danger est proche, et que lai sagesse nous ordonne de l’éviter : voilà ce que j’ai appris de la bouche d’un être qui ne ment jamais. J’avais d’abord cru qu’Hector n’était plus habitué à entendre des pas d’homme, et que c’était de là que provenait son inquiétude ; mais c’est dans le lointain que, pendant toute la soirée, il a flairé quelque chose, et ce que j’avais pris mal à propos pour l’annonce de votre approche annonçait quelque chose de beaucoup plus sérieux. Ainsi donc, mes enfants, si vous en croyez les avis d’un vieillard, vous vous séparerez sur-le-champ pour retourner chacun dans le lieu qui vous offre un abri et une retraite.

— Si je quitte Hélène dans un pareil moment, s’écria le jeune homme, je consens qu’à jamais…

— C’est assez ! dit Hélène en lui mettant de nouveau sur la bouche une main dont la blancheur et la délicatesse eussent été remarquées dans les plus brillants salons ; le temps presse, je n’ai plus un seul instant à moi, il faut nous quitter, quoi qu’il arrive. Adieu, Paul. — Mon père, adieu.

— Chut ! dit le jeune homme en lui saisissant le bras au moment où elle allait s’éloigner. — Silence ! n’entendez-vous rien ? Il y a des buffles qui font leur vacarme assez près d’ici ! oui, c’est quelque troupeau furieux qui court en désordre.

Ses deux compagnons prêtèrent l’oreille, comme des personnes dont toutes les facultés sont concentrées pour découvrir la véritable cause de quelque bruit douteux et lointain, d’autant plus effrayant qu’il avait été précédé de tant d’avertissements si remarquables. Les sons, quoique encore faibles, s’entendaient alors clairement. Le jeune homme et sa compagne avaient fait à la hâte quelques conjectures diverses sur ce qu’ils pouvaient être, lorsqu’un coup de vent apporta jusqu’à leurs oreilles le bruit de pas qui frappaient la terre d’une manière trop distincte pour qu’il fût possible s’y méprendre.

— J’avais raison, dit le chasseur d’abeilles ; c’est un troupeau qu’une panthère chasse devant elle, ou bien il y a quelque bataille parmi les animaux.

— Vos oreilles vous trompent, répondit le vieillard qui, depuis le moment où ses organes avaient pu saisir les sons éloignés, était resté immobile comme une statue, les sauts sont trop longs pour être ceux du buffle, et trop réguliers pour des animaux qui fuiraient épouvantés. Écoutez ! les voilà dans un bas-fond où l’herbe