Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

village des Pawnies de la forteresse la plus voisine, occupée par ses compatriotes.

Une loge fut abandonnée à la possession exclusive d’Inez et d’Hélène, et Paul lui-même, quand il vit une sentinelle dans l’uniforme des États se promener devant l’entrée, se sentit le cœur plus libre, et alla rôder au milieu des habitations des Peaux-Rouges, examinant sans beaucoup de réserve l’intérieur de leurs ménages, faisant des commentaires sur tout ce qu’il voyait, tantôt en riant, tantôt d’un ton grave, mais toujours avec la plus grande liberté, ou entrant dans les explications les plus comiques, pour faire comprendre aux ménagères tout ébahies que, dans tel ou tel cas, les femmes blanches s’y prenaient beaucoup mieux, et qu’il fallait faire comme elles.

Heureusement cet esprit de curiosité, si incommode et si gênant, ne se manifesta point parmi les Indiens. La réserve et la délicatesse de Cœur-Dur s’étaient communiquées à son peuple. Après avoir eu pour leurs hôtes toutes les attentions que leurs mœurs simples et leurs goûts peu difficiles à contenter purent leur suggérer, aucun Indien n’eut la présomption de s’approcher des cabanes qui avaient été mises à la disposition des étrangers. On les laissa se retirer et s’arranger dans leurs nouvelles demeures de la manière la plus conforme à leurs habitudes et à leurs goûts. Mais les chants et les réjouissances de la tribu ne s’en prolongèrent pas moins pendant la nuit, et elle était déjà fort avancée que l’on entendait encore la voix de plus d’un chef qui, du haut de sa tente, racontait les exploits de ses guerriers et la gloire dont ils s’étaient couverts.

Malgré les fatigues de la veille, dès le point du jour tout était sur pied. L’air de triomphe qui peu d’heures auparavant brillait sur toutes les figures, avait fait place à une expression mieux appropriée à la circonstance actuelle. Le bruit s’était répandu que les Visages-Pâles, qui étaient les amis de leur chef, étaient au moment de prendre congé de la tribu. Les soldats de Middleton, en attendant son arrivée, s’étaient arrangés avec un marchand qui n’avait pas réussi dans ses spéculations, et lui avaient loué sa barque, qui était sur le bord de la rivière, prête à recevoir sa cargaison. Il ne restait donc plus qu’à se disposer au départ.

Middleton ne voyait pas arriver ce moment sans quelque sentiment de défiance. L’admiration avec laquelle Cœur-Dur contemplait Inez n’avait pas plus échappé à son regard jaloux que les