Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grâce au ciel ; l’autre rendit également grâces mais sans verser de larmes. Les bons habitants des environs étaient trop heureux pour se rappeler les anciennes insinuations du révérend père, et par une sorte de consentement général, l’opinion s’établit dans le pays qu’elle avait été enlevée par un infâme trafics et qu’elle venait d’être rendue à ses amis par une intervention tout humaine. Il y eut bien encore quelques incrédules, mais ils renfermèrent leurs doutes en eux-mêmes, et ils en jouirent en secret, avec cette espèce de plaisir solitaire que l’avare trouve à regarder des monceaux d’or qui s’accumulent sous ses yeux sans lui servir à rien.

Afin d’occuper le digne prêtre à quelque chose, Middlleton le choisit pour unir Paul et Hélène. Paul consentit à la cérémonie, parce qu’il vit que tous ses amis y attachaient une grande importance ; mais bientôt après il conduisit Hélène dans les plaines du Kentucky, sous prétexte de rendre quelques visites indispensables à plusieurs membres de la famille des Hover ; et là il fit recommencer la cérémonie par un juge de paix de sa connaissance, qu’il croyait beaucoup plus propre que le père Ignace à former les nœuds conjugaux. Hélène, convaincue qu’on ne pouvait trop multiplier les entraves pour retenir un caractère aussi bouillant que celui de son mari dans les limites du mariage, consentit volontiers à cette double chaîne, et de cette manière tout le monde fut content.

L’importance locale que Middleton venait d’acquérir par son mariage avec la fille d’un propriétaire aussi riche que don Augustin, attira sur lui l’attention du gouvernement. Il fut chargé successivement de plusieurs fonctions délicates, propres à faire valoir ses talents, et qui contribuèrent à lui donner une grande considération. Il eut bientôt lui-même beaucoup de crédit, et le premier usage qu’il en fit fut en faveur du chasseur d’abeilles. Il n’était pas difficile de trouver à occuper Paul d’une manière conforme à ses goûts, dans l’état de société qui existait dans ces régions il y a vingt-trois ans. Middleton et Inez, secondés avec autant de persévérance que de sagacité par Hélène, réussirent aussi avec le temps à opérer un changement très-avantageux dans son caractère. Il eut bientôt des terres, les cultiva avec un rare bonheur, et fut nommé, peu de temps après, officier municipal. Ces changements progressifs dans sa fortune amenèrent, ainsi qu’on le voit souvent dans une république, une amélioration sem-