Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quels on avait cru devoir les prendre. Sa cupidité n’en fut que plus vivement excitée, et il continua sa marche.

La manière dont le sauvage se glissa entre les branches tendres et flexibles du cotonnier ressemblait assez à la marche sinueuse du serpent ; son corps semblait se ramasser et si étendre à volonté, selon que le passage était plus ou moins étroit. Dès qu’il fut parvenu dans l’enceinte, il commença par jeter un coup d’œil rapide sur les localités, puis il eut la précaution de s’assurer une retraite facile en écartant tout ce qui aurait pu mettre obstacle à la rapidité de sa marche. Alors, se levant pour la première fois de toute la hauteur de sa taille, il parcourut le camp, comme le génie du mal, cherchant sur quel objet il exercerait d’abord ses projets infernaux. Déjà il avait visité la cabane où s’étaient retirés la femme de l’émigrant et ses jeunes enfants ; déjà il avait passé devant plusieurs corps gigantesques, étendus nonchalamment à terre, dans un état d’insensibilité complète, lorsqu’il arriva enfin à l’endroit occupé par Ismaël en personne. Un homme de la sagacité de Mahtoree ne pouvait manquer de deviner qu’il avait alors en son pouvoir le chef des émigrants. Il resta longtemps à le contempler : ses yeux étaient fixés sur ses membres robustes, tandis que son esprit calculait les chances de son entreprise, et les moyens les plus sûrs d’en tirer tout le fruit.

Il avait remis dans sa gaine le couteau que, dans le premier mouvement, il avait été tenté de tirer, et il allait passer outre, lorsque Ismaël, s’agitant sur sa couche, demanda d’un ton rude qui était là. Il fallait toute l’astuce et toute la présence d’esprit d’un sauvage pour se tirer d’un pas aussi critique. Imitant les sons entrecoupés et presque inintelligibles de la voix qui lui parlait, il se jeta pesamment à terre et parut se disposer à dormir ; Ismaël vit bien ces mouvements, mais d’une manière confuse et à travers ses paupières à peine entrouvertes. D’ailleurs le stratagème était trop hardi et trop habilement exécuté pour ne pas avoir un plein succès. L’émigrant ne tarda pas à refermer les yeux, et il dormit bientôt avec un hôte aussi dangereux au sein même de sa famille.

Le Teton dut conserver pendant bien des minutes, qui lui semblaient bien longues, la position qu’il avait prise, afin de s’assurer qu’il n’était plus observé. Mais si son corps était immobile, son esprit actif n’en agissait pas moins. Il mit ces instants à profit pour combiner un plan qui devait livrer le camp et tout ce qu’il