Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/62

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l’endroit où une blessure est mortelle en écartant doucement les plis du vêtement qui le cachait à sa vue, il leva son arme acérée et il allait réunir ses forces et son adresse pour frapper, lorsque le jeune émigrant étendit nonchalamment en arrière son bras nerveux, dont les muscles, ainsi tendus, se dessinaient en bosse et annonçaient sa force extraordinaire.

Le Teton s’arrêta. Une nouvelle révolution s’était faite dans ses idées. Le sommeil de son ennemi lui parut offrir moins de dangers que sa mort même. Le plus petit bruit pouvait lui être funeste. Il réfléchit que la dissolution de ce corps gigantesque ne se ferait pas sans une lutte violente, sans une agonie terrible. Cette pensée se présenta avec la rapidité de l’éclair à son expérience. Ses yeux étincelants se portèrent d’abord sur le camp derrière lui, ensuite sur le bois en face, puis de tous côtés sur la vaste et silencieuse Prairie. Se courbant de nouveau sur celui qui avait été si près de devenir sa victime, il s’assura qu’il dormait profondément, et abandonna son premier projet, non par humanité, mais par politique.

Mahtoree ne se retira qu’avec la même précaution qu’il était venu. Il se dirigea alors en droite ligne vers le camp, en ayant soin de suivre la lisière du bois afin de pouvoir s’y jeter en cas d’alarme. La tente isolée attira d’abord son attention. Après avoir examiné l’intérieur et avoir écouté longtemps afin de prendre conseil de ses oreilles, le sauvage se hasarda à soulever la toile par en bas, et à glisser par dessous sa tête basanée. Ce ne fut qu’au bout d’une minute qu’il la retira, et, s’asseyant à terre, il resta dans l’inaction, les yeux fixés sur le sol, comme s’il réfléchissait profondément. Puis, reprenant sa première position, il passa de nouveau la tête sous la toile mystérieuse. Cette fois son examen dura plus longtemps, et sa visite semblait avoir quelque chose de plus solennel. Cependant elle eut un terme comme toutes les choses du monde, et, retirant sa tête, il s’éloigna à pas lents.

Il se dirigeait alors vers l’endroit où des objets accumulés, mais que l’obscurité empêchait de distinguer, indiquaient que se trouvait le centre du camp. Après avoir marché pendant quelque temps, il s’arrêta de nouveau, tourna la tête pour regarder la petite enceinte solitaire qu’il venait de quitter, et parut hésiter s’il ne retournerait point sur ses pas. Mais les chevaux de frise formés par des branchages se trouvaient alors à portée de son bras, et ces précautions mêmes annonçaient la valeur des objets pour les-