Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/121

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ici il vous dirait que ce navire est parfaitement équipé et n’offre aucun danger, comme je suis prêt à en faire serment.

Mrs de Lacey se tourna vers Wilder avec dignité et lui dit avec l’air d’une femme qui avait décidément pris son parti :

— Ma mémoire m’a donc fait commettre une légère méprise, ce qui n’est pas surprenant, quand on songe que celui qui m’a donné quelque connaissance de sa profession n’est plus ici pour me continuer ses leçons. Nous vous sommes fort obligées de vos avis, monsieur, mais nous devons croire que vous avez exagéré le danger.

— Sur mon honneur, madame, répondit Wilder en appuyant la main sur son cœur et parlant avec une émotion singulière, je suis sincère en ce que je vous dis, et je vous affirme positivement que je suis convaincu qu’on s’expose au plus grand danger en s’embarquant sur ce bâtiment ; et je prends le Ciel à témoin qu’en vous parlant ainsi, je ne le fais point par mauvaise volonté contre le commandant de ce navire, ni contre ses armateurs que je ne connais nullement.

— Nous croyons à votre sincérité, monsieur ; nous pensons seulement que vous êtes un peu dans l’erreur, répondit la veuve du contre-amiral avec un sourire de compassion dans lequel elle voulait mettre quelque condescendance. Nous vous sommes obligées de vos bonnes intentions, du moins. — Suivez-nous, mon digne vétéran ; il ne faut pas que nous nous séparions ainsi. Allez, frappez à la porte de ma maison, on vous fera entrer, et nous reprendrons cet entretien.

Saluant alors Wilder, elle descendit dans le jardin, suivie de ses deux compagnes. Mrs de Lacey marchait d’un pas fier, en femme qui connaissait tous ses avantages ; Mrs Wyllys s’avançait plus lentement, comme si elle eût été absorbée dans ses réflexions, et Gertrude était à côté de sa gouvernante, le visage caché sous un grand chapeau. Wilder crut pourtant remarquer un regard inquiet qu’elle jetait en arrière à la dérobée sur un homme qui avait certainement fait naître une forte émotion dans son cœur susceptible, quoique cette émotion ne fût bien sûrement qu’un sentiment d’alarme. Il resta dans la même position jusqu’à ce qu’il les eût perdues de vue à travers les bosquets. Se retournant alors pour verser le torrent de son mécontentement sur le vieux marin, il vit que celui-ci avait si bien employé le temps qu’il était déjà