Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/123

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les parties du port. Les chants des marins s’élevaient sur l’air calme du matin avec leurs intonations particulières et prolongées.

Le vaisseau qui était dans le port intérieur fut un des premiers dont l’équipage donna cette preuve d’activité et cette annonce d’un prochain départ. Ce ne fut que lorsque ces mouvemens frappèrent ses yeux que Wilder parut sortir complètement de sa rêverie et continuer ses observations avec une attention non partagée. Il vit les matelots monter sur les manœuvres avec cet air d’indolence qui fait un contraste si frappant avec l’activité qu’ils déploient quand le besoin l’exige, et une figure humaine se montrait çà et là sur les vergues noires et massives. Au bout de quelques instans, la voile du petit hunier se détacha de la vergue autour de laquelle elle était serrée, et forma des festons gracieux et négligés, ce qui, comme l’attentif Wilder le savait fort bien, était, sur tous les bâtimens de commerce, le signal de mettre à la voile. Quelques minutes après, les angles inférieurs de cette voile importante furent tirés vers les extrémités de l’espar qui y correspondait en dessous, et l’on vit alors la lourde vergue monter lentement le long du mât, traînant après elle les replis de cette voile jusqu’à ce qu’elle fût tendue par tous ses bords et qu’elle se déployât en une nappe de toile blanche comme la neige. Les légers courans d’air tombaient sur cette vaste surface et s’en éloignaient ensuite, la voile se gonflant et se détendant de manière à montrer qu’ils étaient encore sans pouvoir. Les préparatifs de départ arrivés à ce point parurent se suspendre, comme si les marins, après avoir invité la brise, attendaient pour voir si leur invocation paraissait devoir obtenir du succès.

Ce n’était peut-être qu’une transition toute naturelle, pour un homme qui avait observé si attentivement ces indices de départ sur le bâtiment dont nous venons de parler, de tourner les yeux vers le vaisseau qui était mouillé au-delà du fort, afin de voir l’effet qu’avait produit sur lui un signal si manifeste. Mais l’examen le plus strict et le plus attentif ne pouvait découvrir aucun signe d’intérêt commun entre ces deux navires. Tandis que le premier faisait les mouvemens que nous venons de décrire, l’autre restait sur ses ancres, sans donner la moindre preuve qu’il existât des hommes sur ses ponts déserts et inanimés. Il était si tranquille, si immobile, qu’un homme qui n’aurait eu aucune instruction sur ce sujet aurait pu croire qu’il était enraciné dans la mer, que c’était quelque excroissance énorme et symétrique que