Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/163

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faut, vous êtes magistrat, et vous n’avez qu’à m’en dicter les termes sur-le-champ.

— Non pas ! non pas ! Quoique je sois magistrat, le serment ne serait ni en forme ni obligatoire aux yeux de la loi ; mais que savez-vous de monsieur ?

— Je sais que, pour son âge, c’est un aussi bon marin que vous puissiez en trouver dans toutes les colonies ; il peut y en avoir qui aient plus de pratique que d’expérience, j’ose dire qu’on en rencontrerait ; mais quant à l’activité, la vigilance, la prudence, la prudence surtout, il serait difficile de trouver son égal.

— Et vous êtes donc bien certain que monsieur est l’individu dont il est question dans les pièces que voici ?

Joram reçut les certificats avec le même sang-froid admirable qu’il avait montré depuis le commencement de cette scène, et se prépara à les lire avec l’attention la plus scrupuleuse. Un préliminaire indispensable à cette opération fut de mettre ses lunettes ; car notre hôte commençait à entrer dans le déclin de la vie, et, pendant qu’il faisait cette lecture, Wilder crut avoir sous les yeux un exemple notable de la manière dont le vice peut prendre l’apparence de la vertu quand il est accompagné d’un air vénérable.

— Tout cela est très vrai, monsieur Ball, reprit l’aubergiste en ôtant ses lunettes et en rendant les papiers ; mais ils ont oublié de parler de la manière dont il a sauvé la Vive Nancy à la hauteur d’Hatteras, et de dire comment il a fait passer la Peggy et Dolly par-dessus la barre de la Savannah, sans avoir de pilote, et en faisant feu en même temps du nord et de l’est. Moi qui ai été à la mer dans ma jeunesse, comme vous le savez, j’ai entendu bien des marins parler de ces deux circonstances, et je suis en état de juger de leur difficulté. Je prends quelque intérêt à ce navire, voisin Ball ; car, quoique vous soyez riche et que je sois pauvre, nous n’en sommes pas moins voisins ; — je prends quelque intérêt à ce navire, dis-je, vu que c’est un bâtiment qui quitte rarement Newport sans me laisser quelque chose à faire sonner dans ma poche ; et sans cela je ne serais pas ici aujourd’hui pour le voir lever l’ancre.

En terminant ces mots, Joram donna des preuves évidentes que sa visite à bord de la Royale Caroline n’avait pas été infructueuse en faisant entendre dans le fond de son gousset une musique qui n’était pas moins agréable aux oreilles du commerçant économe qu’aux siennes mêmes. Les deux dignes compagnons