Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/164

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sourirent avec un air d’intelligence et en hommes qui avaient su trouver leur profit particulier dans leurs rapports avec la Royale Caroline. Le négociant prit alors Wilder à part, et, après quelques nouveaux discours préliminaires, les conditions de l’engagement du jeune marin furent enfin arrêtées. Le véritable maître du bâtiment devait rester à bord, tant pour la garantie de l’assurance que pour conserver la réputation du navire ; mais il fut avoué franchement que l’accident qui lui était arrivé, et qui n’était rien de moins qu’une jambe cassée, que les chirurgiens étaient occupés à remettre en ce moment, l’empêcherait probablement de quitter sa cabine avant un mois, et, pendant tout ce temps, ses fonctions devaient être remplies par notre aventurier. Ces arrangemens prirent une heure de temps, après quoi le consignataire quitta le vaisseau parfaitement satisfait de la manière prudente et économe dont il s’était acquitté de ses devoirs envers ses commettans. Cependant, avant d’entrer dans la barque, voulant être également soigneux de ses propres intérêts, il n’oublia pas de prier l’aubergiste de signer un acte de notoriété, en bonne et due forme, de tout ce qu’il savait sur l’officier qui venait d’être engagé. L’honnête Joram fut libéral de promesses ; mais, comme tout était heureusement terminé, il ne vit aucun motif pour s’exposer à un risque inutile, et il réussit à se dispenser de les exécuter, trouvant, sans doute, une excuse pour ce manque de parole dans la circonstance, que lorsque le sujet vint à être considéré de plus près, il reconnut qu’il ne possédait aucune information qui fût littéralement applicable à la question dont il s’agissait.

Il est inutile de décrire le tumulte, les affaires à demi oubliées, et par conséquent négligées, dont il faut s’occuper à la hâte, les créanciers, les souhaits de bonne santé, les commissions pour quelque port étranger, en un mot, tous les devoirs à remplir qui s’accumulent avec une confusion presque interminable pendant les dernières dix minutes qui précèdent le départ d’un bâtiment marchand, surtout s’il est assez heureux, ou pour mieux dire assez malheureux pour avoir des passagers. Il est une certaine classe d’hommes qui quittent un vaisseau prêt à lever l’ancre avec autant de répugnance qu’ils renonceraient à puiser dans une autre source ordinaire de profit, descendant le long de ses flancs comme on voit tomber la sangsue bien remplie du sang qu’elle a sucé. Les matelots, dont l’attention est divisée entre les ordres du pilote et les adieux de leurs connaissances, courent de tous côtés,