Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/18

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partir moi-même pour aller chercher la gloire sous les drapeaux du roi.

Le jeune homme, dont le nom de baptême, ou le nom donné, comme on le dit encore aujourd’hui dans la Nouvelle-Angleterre, avait été humblement choisi par ses parens spirituels pour exprimer ses espérances pour l’avenir, tourna la tête vers l’héroïque tailleur avec une expression de moquerie dans le regard, qui prouvait que la nature ne lui avait point refusé le don de la plaisanterie, quoique cette qualité fût étouffée par la contrainte d’habitudes toutes particulières, et d’une éducation qui ne l’était pas moins.

— Il y a jour à percer à présent pour un homme ambitieux, voisin Homespun, dit-il, puisque sa majesté a perdu son plus brave général.

— Oui, oui, répondit l’individu qui, dans sa jeunesse ou dans son âge mûr, s’était si gravement trompé dans le choix d’un état, c’est une chance belle et flatteuse pour celui qui ne compte que vingt-cinq ans. Mais moi, la plupart de mes jours sont écoulés, et je dois en passer le reste ici, où vous me voyez, entre le bougran et l’osnabruck. — Qui a teint votre drap, Pardy ? C’est le plus beau en couleur que j’aie manié de cet automne.

— La maman s’y entend, voyez-vous, pour donner une couleur solide à son tissu, et je vous réponds, voisin Homespun, que pourvu que vous lui laissiez le temps de se retourner, il n’y aura pas dans toute l’île un garçon mieux habillé que le fils de ma mère. Mais, puisque vous ne pouvez pas être général, bon homme, vous aurez du moins la consolation de savoir qu’on ne se battra plus sans vous. Tout le monde est d’accord que les Français ne tiendront plus long-temps, et que nous allons avoir la paix faute d’ennemis.

— Tant mieux, tant mieux, jeune homme. Quelqu’un qui a vu comme moi les horreurs de la guerre, et, Dieu merci, j’en ai vu de toutes les couleurs, sait quel prix il doit attacher aux douceurs physiques de la paix.

— Vous n’êtes donc pas tout-à-fait étranger, bon homme, au nouvel état que vous songez à prendre ?

— Moi, j’ai passé par cinq longues et sanglantes guerres, et je puis dire que, grâce à Dieu, je m’en suis tiré assez heureusement, puisque je n’ai pas reçu une égratignure aussi forte que celle que pourrait faire cette aiguille. Oui, ce sont cinq longues, — san-