Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/19

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glantes, et, je puis le dire, glorieuses guerres que j’ai traversées sain et sauf !

— C’était un moment bien dangereux pour vous, voisin ; mais je ne me rappelle pas avoir entendu parler dans ma vie de plus de deux querelles avec les Français.

— Vous n’êtes qu’un enfant auprès de celui qui a vu la fin de sa soixantième année. Il y a d’abord cette guerre-ci, qui maintenant est si vraisemblablement à son dernier terme. — Le Ciel, qui règle tout dans sa sagesse, en soit loué ! — Il y eut ensuite l’affaire de 1745, quand le brave Warren parcourut nos rivages dans tous les sens, fléau des ennemis de sa majesté et défenseur de tous ses fidèles sujets. Ensuite il y eut une affaire en Allemagne dont on nous a fait de terribles récits, et où les hommes tombaient comme l’herbe sous la faucille maniée par un bras vigoureux. Cela fait trois. La quatrième, ce fut la révolte de 1715, dont je ne prétends pas avoir vu grand-chose, car j’étais encore tout jeune à cette époque. La cinquième, c’était un bruit terrible qui s’était répandu dans les provinces d’un soulèvement général parmi les noirs et les Indiens, qui devait plonger tous les chrétiens dans l’éternité, sans leur laisser une minute pour se reconnaître.

— Ma foi, je vous avais toujours regardé comme un homme paisible et sédentaire, reprit le paysan étonné, et il ne m’était jamais venu à l’esprit que vous eussiez vu des mouvemens aussi sérieux.

— Je n’ai jamais voulu me vanter, Pardon ; sans cela j’aurais pu ajouter à ma liste d’autres affaires importantes. Il y eut une grande lutte en orient, pas plus tard qu’en 1732, pour le trône de Perse. Vous avez lu les lois des Mèdes et des Perses. Eh bien ! ce même trône qui a donné ces lois inaltérables était alors l’objet d’une querelle terrible où le sang coulait comme de l’eau ; mais ce n’était pas dans un pays chrétien, et je ne puis en rendre compte d’après ma propre expérience, quoique j’eusse pu vous parler de l’émeute relative à Porteous[1] avec certitude, puisqu’elle a eu lieu dans une partie du royaume même où je vivais.

— Vous devez avoir beaucoup voyagé et vous être mis en marche de grand matin, bon homme, pour avoir vu toutes ces choses et n’avoir rien souffert.

— Oui, oui, j’ai tant soit peu été voyageur, Pardy ! J’ai été

  1. Voyez la Prison d’Édimbourg, chap. I. — Éd.