Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/200

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— Un tel spectacle dédommagerait d’un mois d’emprisonnement dans un vaisseau. Vous devez trouver de vives jouissances dans de telles scènes, monsieur Wilder, et elles doivent vous être familières.

— Sans doute, sans doute ; on y trouve certainement du plaisir. Je voudrais que le vent eût varié d’un point ou deux. — Je n’aime pas ce ciel couvert de vapeurs, ni cette brise si paresseuse du côté de l’est.

— Le vaisseau fait des progrès rapides, dit Mrs Wyllys d’un ton calme, remarquant que le jeune homme parlait d’un air distrait, et craignant l’effet que ses paroles pouvaient produire sur l’esprit de sa pupille. Si nous continuons à marcher ainsi, il y a toute apparence que nous aurons une traversée courte et prospère.

— Sans doute, s’écria Wilder comme s’il ne se fût aperçu qu’en ce moment qu’il était avec ces deux dames ; cela est très probable, cela est fort vrai. — Monsieur Earing, l’air devient trop pesant pour cette voile. Ferlez les voiles de perroquet, et trousser les autres de plus près. Si le vent se maintient à l’est en tirant vers le sud, nous pouvons avoir besoin d’avoir nos coudées franches en pleine mer.

Le lieutenant répondit de la manière franche et soumise dont les marins parlent à leurs chefs, et après avoir examiné un instant les indices du temps, il fit exécuter sur-le-champ l’ordre qu’il venait de recevoir. Tandis que les matelots étaient sur les vergues, occupés à ferler les petites voiles, les deux dames se retirèrent à part pour laisser le jeune commandant libre de s’acquitter de son devoir sans interruption. Mais bien loin de juger nécessaire de donner son attention à une manœuvre si ordinaire, Wilder, un moment après avoir parlé, ne semblait plus songer à l’ordre qui venait de sortir de sa bouche. Il était précisément à l’endroit où l’océan et les cieux avaient frappé ses regards pour la première fois, et ses regards continuaient à être attachés sur l’air et sur l’eau. Ses yeux suivaient toujours la direction du vent, qui, sans être un ouragan, frappait souvent les voiles de bouffées fortes et violentes. Après un examen long et attentif, le jeune marin se communiqua ses pensées à lui-même à voix basse, et se mit à marcher sur le pont à grands pas. De temps en temps il faisait une pause courte et soudaine, et fixait encore ses yeux vers le point d’où le vent arrivait après avoir traversé l’im-