Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/228

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de vapeurs dont s’entoura soudain l’image mystérieuse qu’il avait souvent examinée eut-elle frappé sa vue, qu’on entendit sa voix faire retentir les accens puissans et animés du commandement.

— Debout ! s’écria-t-il, debout ! carguez toutes les voiles ! carguez-les toutes, ajouta-t-il, laissant à peine à ses premières paroles le temps de parvenir aux oreilles de ses subordonnés. Qu’on en cargue jusqu’au dernier lambeau, depuis la proue jusqu’à la poupe ! Du monde aux cargues-points des huniers, monsieur Earing, qu’on mette les huniers sur les cargues. À l’ouvrage partout ! de l’ardeur, mes amis, à l’ouvrage !

C’était un langage auquel l’équipage de la Caroline n’était point étranger, et qui fut doublement bien accueilli, car il n’était pas un seul matelot qui ne s’imaginât depuis long-temps que le commandant inconnu se jouait de la sûreté du vaisseau en voyant l’assurance avec laquelle il contemplait les funestes symptômes de l’atmosphère ; mais ils ne savaient point apprécier la vigilance clairvoyante de Wilder. Il avait, il est vrai, donné au vaisseau marchand de Bristol une impulsion tout-à-fait nouvelle pour ce bâtiment ; mais jusqu’alors les faits mêmes prouvaient en sa faveur ; puisque aucun malheur n’avait suivi ce qu’ils appelaient sa témérité. Cependant à l’ordre prompt et soudain qu’il venait de donner, tout fut un instant en tumulte sur le vaisseau. Une douzaine de matelots s’appelaient les uns les autres des différentes parties du bâtiment, chacun s’efforçant de faire entendre sa voix au-dessus du mugissement des vagues, et il y avait toute l’apparence d’une confusion générale et complète. Mais la même autorité qui leur avait donné d’une manière aussi inattendue cette impulsion d’activité, fit sortir l’ordre de leurs efforts vigoureux, quoique mal dirigés.

Wilder avait parlé d’abord pour réveiller les endormis et ranimer les nonchalants. Dès qu’il vit tout le monde sur pied, il se remit à donner ses ordres avec un calme qui réglait la direction de toutes les forces, mais toujours avec l’énergie qu’il savait que les circonstances exigeaient. Cette énorme quantité de voiles, qui paraissaient comme autant de légers nuages au milieu d’un ciel sombre et menaçant, flottèrent bientôt au hasard, en descendant de leurs positions élevées ; et le vaisseau fut réduit à l’action de ses agrès plus sûrs et plus pesans. Pour effectuer cette manœuvre, chaque matelot avait déployé toute sa force sous la direction des ordres fermes et rapides du commandant. Il y eut alors un mo-