Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/242

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fin son effet. Les matelots se mirent lentement à exécuter l’ordre qui avait été donné, et l’on se convainquit que l’eau avait déjà fait de terribles envahissemens. La manœuvre fut répétée avec une plus grande activité et beaucoup plus de précision.

— S’il est des sortilèges qui puissent vider le fond de cale d’un bâtiment déjà à demi plein d’eau, dit Knighthead regardant toujours de mauvais œil Wilder attentif, le plus tôt sera le mieux ; car il faudra toute l’habileté de quelque chose de plus qu’une mazette pour faire jouer les pompes de la Royale Caroline.

— Le vaisseau fait-il eau ? demanda son supérieur avec un empressement qui montrait assez quelle importance il attachait à cette question.

— Hier j’aurais mis hardiment mon nom sur le rôle de tout bâtiment qui flotte sur les mers, et si le capitaine m’avait demandé si j’en connaissais la nature et le caractère, aussi sûr que je me nomme Francis Knighthead, je lui aurais répondu sans hésiter : — Oui ; mais je m’aperçois aujourd’hui que le plus vieux marin peut encore apprendre quelque chose, n’importe de quelle manière il prend une leçon.

— Que voulez-vous dire, monsieur ? demanda Wilder, qui, pour la première fois, commençait à s’apercevoir des airs d’insubordination que se donnait le second lieutenant, et de la manière menaçante dont il était appuyé par l’équipage. — Préparez les pompes sans délai, et qu’on se mette à l’ouvrage.

Knighthead obéit lentement à la première partie de cet ordre en peu d’instans tout fut préparé pour commencer le travail nécessaire, et même, à ce qu’il semblait, urgent, de faire jouer les pompes. Mais aucun homme ne prêta les mains à cette pénible manœuvre. L’œil pénétrant de Wilder, qui avait pris l’alarme, ne tarda pas à découvrir cette résistance ; il répéta l’ordre d’un ton plus sévère, en appelant nommément deux matelots à donner l’exemple de d’obéissance. Ceux-ci hésitèrent, donnant ainsi à Knighthead le temps de les confirmer par sa voix dans leurs intentions séditieuses.

— Qu’est-il besoin de bras pour faire jouer les pompes dans un vaisseau comme celui-ci ? dit-il avec un sourire grossier, mais où une secrète terreur luttait d’une manière étrange avec une malveillance prononcée. — Après tout ce que nous avons vu cette nuit, aucun de nous ne serait étonné quand nous verrions le