Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/27

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demeuraient dans un rayon de dix milles autour de sa résidence ; c’étaient des étrangers, et même des étrangers d’un aspect mystérieux et menaçant. Afin que d’autres puissent apprécier le plus ou moins de vraisemblance de cette dernière conjecture, il devient nécessaire d’entrer dans quelques détails sur l’extérieur respectif de ces individus, qui avaient le malheur de n’être pas connus du tailleur babillard de Newport.

L’un, c’était celui qui avait de beaucoup l’air le plus imposant, était un jeune homme qui avait dû voir de vingt-six à vingt-sept printemps. Mais, pour se convaincre que ces printemps n’avaient pas été uniquement composés de journées paisibles et de nuits de repos, il suffisait de regarder ces couches brunes et foncées accumulées sur sa figure l’une après l’autre, de manière à donner une couleur olive à un teint naturellement blanc, sans cependant altérer en rien l’expression de la plus brillante santé. Ses traits avaient plus de noblesse et de vigueur que de régularité et de symétrie ; son nez n’avait peut-être point des proportions bien exactes, mais il avait quelque chose de saillant et de hardi, qui, joint à ses sourcils avancés, donnait à la partie supérieure de sa figure cet air prononcé d’intelligence qui caractérise maintenant la plupart des physionomies américaines. Sa bouche avait une expression ferme et mâle, et tandis qu’il se parlait tout bas à lui-même avec un sourire significatif, au moment où le curieux tailleur s’approchait doucement, elle laissa voir une rangée de dents brillantes qui tiraient un nouvel éclat de la couleur sombre du teint qui les entourait. Ses cheveux étaient noirs comme le jais, formant des boucles épaisses qui retombaient en désordre. Ses yeux étaient un peu plus grands qu’ils ne le sont d’ordinaire, et d’une expression très changeante, quoique cependant plutôt douce que sévère.

La taille de ce jeune homme était de cette heureuse dimension qui unit d’une manière si particulière la vigueur et l’activité. Elle semblait le résultat d’une combinaison parfaite, tant les proportions en étaient justes et la grâce frappante. Quoique ces différentes qualités physiques se montrassent avec le désavantage d’un costume de simple marin, tout-à-fait ordinaire, bien que propre et arrangé avec assez de goût, elles étaient assez imposantes pour intimider le soupçonneux tailleur, et le faire hésiter à adresser la parole à l’étranger, dont le regard paraissait attaché par une sorte de prestige sur le soi-disant négrier du havre