Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/294

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marin rendit son salut avec tous les accessoires que la circonstance semblait exiger. Un tel échange de civilités, entre deux personnages aussi éminens, fut le signal d’hostilités générales parmi leurs subordonnés respectifs. Le tumulte qui suivit l’attaque avait attiré l’attention de Fid, qui, dès qu’il vit quelle tournure les jeux prenaient en bas du tillac, abandonna son compagnon sur la vergue, et se laissa glisser à l’aide d’un étai, avec à peu près autant de facilité que le singe, cette caricature de l’homme, aurait pu exécuter la même manœuvre. Son exemple fut suivi par tous les matelots des mâts, et en moins d’une minute tout dut porter à croire que les braves soldats de marine allaient être écrasés par la supériorité du nombre ; mais, fermes dans leur résolution et leur animosité, ces guerriers aguerris et brûlant de la soif de la vengeance, au lieu de chercher un refuge dans la fuite, se replièrent les uns sur les autres pour se soutenir. On voyait les baïonnettes briller au soleil, tandis que quelques matelots, en dehors du groupe, portaient déjà la main sur les demi-piques arrangées symétriquement au pied du mât.

— Arrêtez ! en arrière, tous tant que vous êtes ! s’écria Wilder en se jetant au milieu de la foule, et en se frayant un passage avec un empressement doublé peut-être par le souvenir du danger que couraient des femmes sans protection, si les liens de la subordination venaient à se briser violemment dans un équipage composé de pareils élémens.

— En arrière ! si vous tenez à la vie, obéissez ! — Et vous, monsieur, qui vous vantez d’être un si bon soldat, ordonnez à vos gens de rentrer dans le devoir.

Quelque dégoût qu’eût pu lui inspirer la scène précédente, le général était trop intéressé au maintien de la paix intérieure du vaisseau pour ne pas s’efforcer de répondre à cet appel. Il fut secondé par tous les officiers subalternes, qui sentaient bien que leur vie, aussi bien que leur fortune, était menacée, s’ils ne parvenaient à arrêter le torrent débordé d’une manière aussi inattendue. Mais ils ne firent que montrer combien il est difficile de soutenir une autorité qui ne s’appuie point sur un pouvoir légitime. Neptune avait jeté son masque, et, soutenu par ses vigoureux camarades du gaillard d’avant, il se préparait évidemment à un combat qui pût lui donner de plus grands titres à l’immortalité que ceux dont il venait de faire fi.

Jusque là les officiers, en employant tour à tour les menaces