Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/328

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profonde du monde pour pouvoir juger des motifs de tous ceux qui nous entourent.

— Et cependant le monde est agréable pour ceux qui savent en tirer parti gaîment, s’écria le Corsaire par une de ces transitions subites qui le caractérisaient. Pour celui qui sait s’abandonner au penchant de son humeur, tout est facile. Le véritable secret de la pierre philosophale, voyez-vous, n’est pas de vivre éternellement, mais de profiter de la vie. Celui qui meurt à cinquante ans, après avoir goûté tous les plaisirs, a joui plus de la vie que celui qui se traîne pendant un siècle entier, accablé sous le poids des ennuis du monde, et pesant tout ce qu’il dit, de peur que son voisin ne trouve à redire à ses paroles.

— Et cependant il y a des personnes qui trouvent leur plaisir à suivre les sentiers de la vertu ?

— Cela plaît à dire à votre sexe, répondit-il d’un air dans lequel la susceptible gouvernante crut voir briller quelque chose de l’effronterie d’un flibustier. Elle eût alors volontiers congédié sa visite ; mais un certain feu dans le regard et quelque chose de forcé dans la gaîté du Corsaire l’avertirent du danger qu’il y avait d’offenser un homme qui ne reconnaissait d’autre loi que sa propre volonté. Prenant un ton et un air de bienveillance, mais en même temps en harmonie avec la dignité de son sexe, et montrant divers instrumens de musique qui faisaient partie de l’ameublement hétérogène de la cabine, elle détourna adroitement la conversation.

— Celui, dit-elle, dont l’âme est accessible aux douceurs de l’harmonie, et dont le cœur s’émeut aux sons de la musique, ne devrait pas chercher à rabaisser les plaisirs de la vertu. Cette flûte et cette guitare vous appartiennent ?

— Et à cause de ces vains objets qui m’entourent, vous voulez conclure que j’ai les talens dont vous parlez ! C’est encore une des erreurs communes aux malheureux mortels ! Pour être réputé honnête, il suffit d’en avoir l’apparence. Pourquoi ne pas croire aussi que je m’agenouille matin et soir devant ce brillant colifichet ? ajouta-t-il en montrant le crucifix enrichi de diamans qui était suspendu, comme à l’ordinaire, près de la porte de son appartement.

— J’espère, du moins, que l’Être dont cette image est destinée à perpétuer la mémoire ne laisse pas d’obtenir votre hommage. Dans l’orgueil que lui inspirent sa force et la prospérité, l’homme