Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/370

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uns étaient rayonnans de joie par la perspective d’une capture ; d’autres, connaissant mieux leur commandant, étaient loin de regarder comme une chose décidée qu’ils en viendraient aux mains ; quelques-uns, plus accoutumés à réfléchir, secouaient la tête à mesure que le vaisseau approchait, comme s’ils croyaient qu’il était déjà à trop peu de distance pour qu’il n’y eût pas de danger. Cependant, comme ils ignoraient également les sources secrètes auxquelles le chef avait si souvent prouvé qu’il puisait ses renseignemens d’une manière qui semblait quelquefois tenir du miracle, ils se contentèrent d’attendre patiemment sa décision ; mais, lorsqu’ils entendirent le cri du contre-maître, ils manifestèrent la joie qu’il leur causait en déployant sur-le-champ l’activité la plus soutenue.

Les ordres se succédèrent ensuite rapidement les uns aux autres, donnés par Wilder, qui, en vertu du poste qu’il occupait dans ce moment, avait le pouvoir exécutif.

Comme le lieutenant et l’équipage paraissaient animés du même esprit, il ne se passa pas beaucoup de temps avant que les mâts nus du Dauphin fussent enveloppés d’un vaste volume de toile aussi blanche que la neige. Les voiles furent déployées rapidement et les vergnes hissées au haut des mâts. Le vaisseau, mis en mouvement par la brise, était balancé par le roulis, mais n’avançait pas encore à cause de la position de ses vergues. Lorsque tout fut prêt pour la marche, quelle que fût la direction qu’on jugeât à propos de prendre, Wilder monta de nouveau sur la poupe pour en donner avis à son supérieur. Il trouva le Corsaire occupé à regarder attentivement le vaisseau dont le corps sortait alors de la mer et présentait une longue ligne jaune et saillante, que chacun reconnut pour les sabords par où parlaient les canons qui faisaient sa force. Mrs Wyllys, accompagnée de Gertrude, se tenait près de lui, pensive comme l’ordinaire, mais trop aux aguets pour laisser échapper la moindre circonstance.

— Nous sommes prêts à partir, dit Wilder, nous n’attendons plus que l’indication de la route.

Le Corsaire tressaillit et s’approcha davantage de son lieutenant avant de répondre. Ensuite, le regardant en face, et avec une expression marquée, il lui demanda :

— Vous êtes certain que vous reconnaissez ce vaisseau, monsieur Wilder ?