Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/373

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au vaisseau étranger notre pavillon. Hissons-le, monsieur Wilder, pour ne manquer à aucune des règles de l’étiquette nautique.

— Le vaisseau qui est en vue n’en a pas.

— N’importe, nous prendrons les devans sur lui.

Wilder ouvrit la petite armoire qui contenait les pavillons les plus en usage, mais il hésita sur celui qu’il devait choisir, parmi une douzaine qui étaient roulés dans les différens compartimens.

— Je ne sais lequel de ces emblèmes il vous plaira de montrer, dit-il d’un air qui indiquait assez qu’il attendait une réponse.

— Essayez le pavillon hollandais. Le commandant d’un si beau vaisseau doit comprendre toutes les langues des peuples chrétiens.

Le lieutenant fit un signe au quartier-maître de service ; et, un instant après, le pavillon des Provinces-Unies flottait au haut du Dauphin. Les deux officiers observèrent attentivement l’effet qu’il produirait sur le bâtiment étranger, qui refusa cependant de répondre au faux signal qu’ils venaient d’arborer.

— Ils voient que nous avons un vaisseau qui n’a jamais été fait pour les bas-fonds de la Hollande. Peut-être nous reconnaissent-ils ? dit le Corsaire en paraissant interroger de l’œil son compagnon.

— Je ne pense pas. On fait usage de trop de couleurs sur le Dauphin pour que ses amis même soient sûrs de le reconnaître.

— C’est un vaisseau qui a de la coquetterie, j’en conviens, reprit le Corsaire en souriant. Essayons le pavillon portugais : voyons si les diamans du Brésil sont en faveur à ses yeux.

Le premier pavillon fut baissé, et, à sa place, on livra au vent l’emblème de la maison de Bragance. Cependant l’étranger poursuivait sa course sans paraître faire attention, en serrant le vent de plus en plus près, pour diminner autant que possible la distance qu’il y avait entre lui et le navire qu’il cherchait à atteindre.

— Un allié ne saurait l’émouvoir, dit le Corsaire. Eh bien ! faisons-lui voir le drapeau blanc.

Wilder obéit en silence. Le pavillon de Portugal fut descendu sur le pont, et le pavillon de France flotta dans les airs. À peine avait-il atteint le haut du mât, que de larges et éclatantes armoiries s’élevèrent, semblables à un énorme oiseau qui prend son vol, du pont de l’autre navire, et se déployèrent au-dessus des eaux. Au même instant une colonne de fumée sortit du flanc du vaisseau, et elle avait déjà été chassée en arrière par le vent,