Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/375

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— Qu’il égale l’aigle dans son essor le plus élevé et le plus rapide, s’écria-t-il, et il ne nous laissera pas encore en arrière ! Pourquoi cette répugnance à vous trouver à un mille de distance d’un vaisseau de la couronne ?

— Parce que je connais sa force et que je sais qu’il n’y a aucun espoir d’attaquer avec succès un ennemi si supérieur, répondit Wilder avec fermeté. Capitaine Heidegger, vous ne pouvez vous battre avec avantage contre ce vaisseau ; et, à moins que vous ne profitiez à l’instant de la distance qui nous en sépare, vous ne pouvez lui échapper ; je ne sais même s’il n’est pas déjà trop tard pour tenter ce dernier parti.

— Cette opinion, monsieur, est celle d’un homme qui évalue trop haut les forces de son ennemi, parce qu’à force d’en entendre parler, il s’est habitué à le regarder comme quelque chose de plus qu’humain. Monsieur Wilder, il n’y a personne de plus hardi ni de plus modeste à la fois que ceux qui sont accoutumés depuis long-temps à mettre leur confiance en eux-mêmes. Ce n’est pas la première fois que j’approche d’un pavillon de roi, et cependant, vous le voyez, je suis encore sur mon bord.

— Écoutez ! c’est le tambour, ils préparent leurs canons.

Le Corsaire prêta l’oreille un moment et put distinguer le roulement qui appelle l’équipage d’un vaisseau de guerre à son poste.

Après avoir d’abord levé les yeux sur ses voiles, et jeté le coup d’œil du maître sur tout ce qui l’entourait, il répondit avec calme :

— Nous imiterons son exemple, monsieur Wilder. Donnez l’ordre.

Jusqu’alors tous les gens de l’équipage du Dauphin avaient été occupés ou à remplir les devoirs qui étaient assignés à chacun d’eux, ou à observer d’un œil curieux le vaisseau qui cherchait avec tant d’empressement à se rapprocher d’eux. Le murmure bas, mais continuel, de leurs voix étouffées, indiquait seul l’intérêt qu’ils prenaient à ce spectacle ; mais dès l’instant que le premier son du tambour se fit entendre, chaque homme se rendit à son poste avec un égal empressement. Ce mouvement fut l’affaire d’un instant, et, aussitôt après, il régna sur tous les points ce morne silence que nous avons déjà eu occasion de faire remarquer dans une circonstance semblable. Les officiers seuls s’agitaient pour aller prendre les ordres qui les concernaient, tandis que les munitions de guerre, qui étaient tirées du magasin, annonçaient des prépa-