Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sans attendre la réponse, le Corsaire fit signe à son compagnon de le suivre dans sa cabine. Quelques instans lui suffirent pour arranger les belles boucles de ses cheveux de manière à donner à sa figure un air de vivacité et de jeunesse. Le petit costume de fantaisie qu’il portait d’ordinaire fit place à un uniforme complet d’officier du grade qu’il avait pris, uniforme qui avait été fait avec le plus grand soin, et qui servait à faire ressortir les grâces vraiment remarquables de sa personne. Le reste de son habillement fut conforme au rôle qu’il voulait jouer. À peine ces changemens furent-ils effectués, et ils le furent avec une promptitude et une adresse qui pouvaient que c’étaient des artifices qui lui étaient familiers, qu’il se disposa à partir.

— Des yeux meilleurs que ceux qui ornent la figure du capitaine Bignall y ont été pris, dit-il tranquillement en détournant ses regards du miroir où il s’arrangeait pour les porter sur son lieutenant.

— Du capitaine Bignall ! vous le connaissez donc ?

— Monsieur Wilder, mon état m’impose la nécessité de savoir beaucoup de choses que d’autres hommes négligent. Rien de plus simple et de plus facile, par exemple, que cette visite qui, je le vois dans vos yeux, vous fait croire que tout est perdu. Je suis convaincu qu’aucun des officiers ou matelots qui sont à bord du Dard n’a jamais vu le vaisseau dont il m’a plu de prendre le nom ; il est trop nouvellement sorti du chantier pour cela. Ensuite il y a peu de probabilités que je sois forcé, comme mon autre moi-même, de renouer connaissance avec quelqu’un de ses officiers, car vous savez très bien que bien des années se sont écoulées depuis que votre ancien vaisseau n’a été en Europe ; et, en jetant le yeux sur ces papiers, vous verrez que je suis un mortel favorisé, — le fils d’un lord, — et que je ne suis capitaine, je pourrais même dire homme, que depuis son départ d’Angleterre.

— Voilà certainement des circonstances qui vous favorisent, et que je n’avais pas eu la sagacité de découvrir ; mais enfin, pourquoi vous exposer à ce danger, quel qu’il soit ?

— Pourquoi ? peut-être est-ce un projet profondément combiné pour savoir si c’eût été une brillante capture ; peut-être… est-ce un caprice. Il y a un terrible attrait pour moi dans cette entreprise.

— Et le danger n’est pas moins terrible.

— Je ne calcule jamais le prix de ces sortes de jouissances.