Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvait à moitié détruit ; — on pourrait glisser dans une lettre en Angleterre un mot qui ne nuirait pas au jeune homme.

— Plût au Ciel que j’osasse révéler la nature du service dont il s’occupe ! s’écria vivement et d’un ton animé le vieux marin, oubliant aussi vite son dégoût qu’il était prompt à en concevoir. Vous pouvez pourtant dire en toute sûreté, d’après son caractère général, que ce service est honorable, hasardeux et n’a d’autre vue que le bien des sujets de sa majesté. Dans le fait, à peine y a-t-il une heure que je croyais qu’il avait complètement réussi. Vous arrive-t-il souvent, capitaine Howard, de déployer vos voiles d’en haut, tandis que les autres sont roulées autour des vergues ? Un vaisseau arrangé de cette manière me paraît comme un homme qui a mis son habit avant d’avoir passé ses jambes dans ses culottes.

— Vous faites allusion à l’accident arrivé à ma voile de grand perroquet qui s’est détachée à l’instant où vous m’avez aperçu ?

— Précisément. Nous avions entrevu vos agrès à l’aide du télescope ; mais nous vous avions tout-à-fait perdu de vue, quand cette voile, flottant en l’air, frappa les yeux d’un vigie. Pour ne rien dire de plus, cela était remarquable, et il aurait pu s’en suivre des circonstances désagréables.

— Ah ! je fais bien des choses de cette manière afin de me singulariser. La singularité est un signe de talent, comme vous savez. Mais moi aussi je fus envoyé sur ces mers avec une mission spéciale.

— Et quelle est cette mission ? lui demanda sans biaiser son compagnon, dont les sourcils froncés annonçaient une inquiétude que sa franchise ne lui permettait pas de cacher.

— De chercher un vaisseau qui me donnera fort à faire, si j’ai la bonne fortune de le rencontrer. Pendant quelque temps je vous ai cru précisément l’objet de ma croisière, et si vos signaux avaient prêté le moins du monde à la critique, je vous assure qu’une affaire sérieuse aurait pu avoir lieu entre nous.

— Et, je vous prie, monsieur, pour qui me preniez-vous donc ?

— Pour rien de moins que ce fameux coquin le Corsaire Rouge.

— Comment diable ! Et supposez-vous, capitaine Howard, qu’il existe sur la surface des mers un pirate qui ait la tête couverte d’autant de voiles qu’on en trouve abord du Dard ; — dont les