Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/389

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agrès soient en si bon ordre, — dont les mâts aient de telles carlingues ?

— Pour l’honneur de votre vaisseau, monsieur, j’espère que le capitaine a fait seul cette méprise.

— Jusqu’à ce que nous fussions à portée de distinguer les signaux, la moitié au moins des gens les plus instruits de mon équipage étaient décidément contre vous, Bignall, je vous le déclare en honneur. Dans le fait, vous tenez la mer depuis si long-temps, que le Dard prend tout-à-fait un air de corsaire. Vous pouvez ne pas vous en apercevoir, mais je vous garantis le fait, uniquement à titre d’ami.

— Et puisque vous m’avez fait l’honneur de prendre mon vaisseau pour un pirate, reprit le vieux marin, étouffant sa colère pour reprendre un air d’ironie facétieuse, qui changea en grimace l’expression habituelle de sa bouche, peut-être vous êtes-vous aussi imaginé que l’honnête homme que vous voyez n’était rien moins que Belzébuth ?

En parlant ainsi, le commandant du vaisseau chargé d’une imputation si odieuse dirigea les yeux de son compagnon vers un tiers qui était entré dans la cabane avec la liberté d’un être privilégié, mais d’un pas si léger qu’on ne l’avait pas entendu. Lorsque les regards vifs et impatiens du prétendu officier de la couronne tombèrent sur cet individu arrivant si inopinément, il se leva par un mouvement involontaire, et pendant une demi-minute, cet empire admirable qu’il avait sur ses nerfs et ses muscles, et qui lui avait été si utile pour soutenir son personnage, parut l’abandonner entièrement. Cependant il ne perdit son pouvoir sur hui-même que si peu d’instans que personne n’y fit attention, et il rendit avec beaucoup de sang-froid, et avec cet air de courtoisie et d’affabilité qu’il savait si bien prendre, le salut que lui fit un vieillard dont tout l’extérieur annonçait le caractère doux et paisible.

— Monsieur est sans doute votre aumônier, si j’en juge d’après son costume ? dit-il après avoir échangé quelques saluts avec l’étranger.

— Oui, monsieur. — Un brave et honnête homme que je ne rougis pas d’appeler mon ami. Après une séparation de trente ans, l’amiral a bien voulu me le prêter pour cette croisière ; et quoique mon vaisseau ne soit pas de premier bord, je crois qu’il s’y trouve aussi bien que s’il était sur un vaisseau amiral. — Docteur, monsieur est l’honorable capitaine Howard, commandant le