Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/413

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plaça un pavillon parlementaire sur la proue, et l’on vint annoncer que tout était prêt pour recevoir le porteur du message.

— Vous pouvez lui montrer cet état de nos forces, monsieur Arche ; comme c’est un homme raisonnable, il reconnaîtra l’avantage que nous avons sur lui, dit le capitaine après avoir épuisé ses instructions multipliées et plusieurs fois répétées. Je crois que vous pouvez aller jusqu’à lui promettre amnistie pour le passé, pourvu qu’il accepte mes conditions ; mais, dans tous les cas, vous lui direz que toute mon influence sera employée pour obtenir un plein pardon, au moins pour lui. Que Dieu vous protége ! Harry. — Ayez soin de ne lui rien dire des avaries que nous avons essuyées dans notre affaire de mars dernier, car… oui… le vent de l’équinoxe était furieux à cette époque. Adieu ; puissiez-vous réussir !

La chaloupe s’éloigna du vaisseau comme il finissait de parler, et, au bout de quelques instans, Wilder était hors de portée de recevoir de nouveaux avis. Notre aventurier eut assez de temps pour réfléchir à la situation extraordinaire dans laquelle il se trouvait, pendant le trajet qu’il avait à faire pour arriver à l’autre navire. Une ou deux fois son esprit fut agité d’un léger mouvement d’inquiétude et de méfiance, et il ne savait trop si la démarche qu’il faisait était bien prudente ; mais le souvenir de l’élévation d’âme de l’homme entre les mains duquel il allait se confier, se présenta toujours à lui assez à temps pour empêcher ses appréhensions de prendre le dessus.

Malgré sa position délicate, cet intérêt, marque caractéristique de sa profession, et qui s’endort rarement dans le cœur d’un vrai marin, se trouva encore plus fortement stimulé à mesure qu’il approchait du vaisseau du Corsaire. La symétrie parfaite de tous ses agrès, les mouvemens gracieux du navire, qui suivait comme un oiseau de mer les longues et régulières ondulations des vagues ; ses grands mâts s’inclinant avec grâce, et se dessinant sur l’azur du firmament entrelacés par une multitude de cordages compliqués, n’échappèrent pas à des yeux qui savaient apprécier l’ordre et l’ensemble d’un vaisseau aussi bien qu’en admirer la beauté. Il existe un goût exquis et parfait que le marin prend en étudiant une machine dont il n’est personne qui ne fasse l’éloge, et on pourrait le comparer au tact que l’artiste acquiert en contemplant de près et long-temps les plus beaux monumens de l’antiquité. Ce goût lui apprend à découvrir ces imperfections que des yeux