Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à mon âge, afin que je puisse me rendre utile pour renverser le pouvoir de nos ennemis, et peut-être aussi aider à rassurer ma mère ?

— Ta mère n’a point de craintes, reprit Ruth avec gravité, tandis que sa tendresse reconnaissante jetait un regard rapide, mais affectueux, sur le téméraire jeune homme ; la raison m’a déjà démontré la folie de s’alarmer parce qu’on frappe à notre porte à nuit close. Mettez bas les armes, jeunes gens, vous voyez que mon mari ne tient plus son fusil ; soyez certains que sa prudence nous avertira lorsqu’il y aura un danger réel.

La tranquillité du mari était encore plus rassurante que ne le pouvait être le simple langage de sa femme. Content avait non seulement posé ses armes, mais il avait repris sa place près du feu avec un air aussi calme, et, aux yeux d’un observateur, aussi expressif que celui de Ruth. Jusqu’à ce moment, le vigoureux Dudley était resté appuyé sur son fusil, et en apparence impassible comme une statue ; mais, suivant l’ordre d’une personne à laquelle il était habitué à obéir, il plaça son fusil contre la muraille, avec le soin d’un chasseur, et alors, passant une main à travers ses cheveux épais, comme pour rassembler des idées qui n’étaient pas remarquables par leur activité, il s’écria :

— Un bras armé convient à ces forêts ; mais il n’a pas moins besoin d’un talon armé, celui qui veut conduire un cheval depuis le Connecticut jusqu’à Wish-ton-Wish, entre le lever et le coucher du soleil ; l’étranger ne voyage plus sur une selle, puisque ses bottes ne portent plus d’éperons. Lorsque, à force de coups, il conduisait à travers la forêt la misérable haquenée qui sert maintenant de pâture aux loups, il était plus à son aise. J’ai vu les os de l’animal pas plus tard qu’aujourd’hui ; ils ont été polis par le froid et par les oiseaux, et la neige des montagnes n’est pas plus blanche.

Un regard inquiet et rapide fut échangé entre Ruth et son mari au moment où Ében Dudley exprima les réflexions qui lui avaient été suggérées par le retour inattendu de l’étranger.

— Allez voir vers les palissades de l’ouest, dit Content, peut-être le jeune Indien est à rôder autour de l’habitation, honteux d’arriver si tard, et n’osant peut-être pas demander à être admis. Je ne puis croire que cet enfant veuille ainsi nous quitter sans aucun signe de reconnaissance et sans prendre congé de nous.

— Je ne prendrai pas sur moi d’assurer, dit Ében Dudley,