Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les yeux se portèrent sur le jeune captif. L’Indien soutint cet examen avec le maintien assuré de l’impassibilité de sa race. Mais quoique ses regards fussent fiers et hautains, ils n’exprimaient plus cette sombre défiance qu’on avait remarquée si souvent lorsqu’il s’apercevait qu’il était un objet d’observation. Au contraire, l’expression de son visage basané indiquait plus d’amitié que de haine, et il y eut un moment, lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur Ruth et ses enfants, qu’on put y lire le sentiment d’un triste intérêt. Un tel regard ne pouvait échapper à la pénétration d’une mère.

— Cet enfant s’est montré digne de notre confiance, dit Ruth ; et, au nom de celui qui pénètre dans le secret des cœurs, laissez-le vous suivre.

Les lèvres de Ruth se fermèrent tout à coup ; car la conque annonçait de nouveau l’impatience apparente de ceux qui désiraient être admis. Le son vibra jusque dans le cœur de ceux qui l’entendirent, comme s’il eût annoncé quelque grand et terrible événement.

Au milieu de ces alarmes répétées, Soumission seul conserva un calme impassible. Détournant ses yeux du jeune Indien dont la tête s’était penchée sur sa poitrine, il dit précipitamment à Dudley de le suivre, et quitta la chambre.

Il y avait, dans la situation solitaire de la vallée, dans les ténèbres de la nuit, et dans la nature des différents signaux qui s’étaient fait entendre, des raisons assez plausibles pour éveiller des craintes dans le cœur de ceux qui étaient alors en chemin pour terminer une aventure dont le mystère devenait de plus en plus pénible. L’étranger, ou Soumission, comme nous aurons souvent occasion de le nommer, conduisit en silence son compagnon jusqu’à une élévation en dehors des bâtiments, d’où l’œil pouvait dominer au-dessus des palissades qui entouraient l’éminence et embrasser toute l’étendue que les ténèbres permettaient de découvrir.

C’était une scène qui ne pouvait être contemplée avec indifférence dans aucun temps que par ceux qui étaient habitués à la vie des frontières. La forêt immense qui les entourait, et où l’on eût dit qu’il n’existait aucune route frayée, bornait l’horizon aux limites étroites de la vallée, semblable à une oasis. Dans l’intérieur de la partie défrichée, les objets pouvaient être aperçus d’une manière un peu plus distincte, bien que ceux même qui étaient