Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tu ne descendras que si tu vois les ennemis escalader les palissades du côté qui domine le ruisseau ; car c’est là que nous avons le moins de monde pour examiner leurs mouvements. Souviens-toi que du côté des bâtiments extérieurs et du côté des champs sont rassemblées nos forces principales ; il n’y a donc aucune raison d’exposer votre vie en regardant avec trop de curiosité ce qui se passe dans les champs. Allez, mes enfants, et que la divine Providence veille sur vous.

Ruth s’arrêta pour déposer un baiser sur la joue que sa fille lui présentait. Elle embrassa aussi l’autre enfant, qu’elle aimait presque aussi tendrement : c’était la fille d’une amie pour laquelle elle avait en l’affection d’une sœur. Mais ces baisers n’étaient pas accompagnés de la même émotion que celui qu’elle avait imprimé sur le front de Mark. Elle avait envoyé son fils dans une position dangereuse, et sous l’apparence de quelque utilité elle envoyait les autres dans un lieu qu’on jugeait moins exposé que la citadelle elle-même, tant que l’ennemi ne serait pas maître des fortifications. Cependant toute la tendresse maternelle agita son cœur au moment où sa fille la quitta ; et cédant à une impulsion soudaine, elle rappela l’enfant auprès d’elle.

— Répète la prière pour demander une protection spéciale contre le danger du désert, dit Ruth d’une voix solennelle ; dans tes supplications, n’oublie pas celui auquel tu dois la vie, et qui expose maintenant la sienne pour notre sûreté. Tu connais le rocher des chrétiens, place ta foi sur ses fondements.

— Et ceux qui en veulent à notre vie, demanda l’enfant, sont-ils au nombre de ceux pour lesquels il mourut ?

— Nous ne devons pas en douter, quoique les vues de la Providence à leur égard soient mystérieuses ! Sauvages dans leurs habitudes, et cruels dans leurs inimitiés, ce sont cependant des créatures de la même nature que nous ; elles sont également les objets de sa sollicitude.

Des cheveux blonds, qui couvraient à moitié le front et le visage de la jeune fille à laquelle s’adressait Ruth, ajoutaient encore à l’éclat d’un teint qui semblait n’avoir jamais été touché par les brises brûlantes de l’Amérique. L’enfant secoua ces boucles ondoyantes, et arrêta avec effroi ses grands yeux bleus sur le sombre visage du captif indien, qui, dans ce moment, était pour elle le sujet d’une secrète horreur. Ce jeune garçon avait l’air calme et hautain, et en apparence insensible, mettant toute sa