Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/195

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sacrifieraient au Moloch de leurs vanités ; et cependant je voudrais rester près de toi jusqu’à ce que le poids de ce coup affreux se fût allégé. Je t’ai trouvé dans la paix, et je te quitte dans les plus profondes souffrances !

— Tu n’as point de confiance en moi, ou tu fais injure à ta propre croyance, interrompit le Puritain avec un sourire qui brilla sur son visage sévère et décomposé, comme un rayon du soleil couchant qui brille sur un nuage d’hiver. — Te paraissais-je plus heureux lorsque ta main plaça celle d’une épouse chérie dans la mienne, que je ne le suis maintenant dans le désert, sans maison, dépouillé de mes biens, et — que Dieu me pardonne mon ingratitude — j’allais presque dire sans enfants ! Non, en vérité, tu ne dois pas d’arrêter, car la meute sanglante de la tyrannie est à la piste, et je n’ai plus de refuge à t’offrir.

Les yeux de l’inconnu et ceux du vieillard se tournèrent en même temps, par un sentiment commun de mélancolie, vers les ruines de la forteresse. Alors l’étranger pressa la main de son ami dans ses deux mains, et dit d’une voix attendrie :

— Mark Heathcote, adieu ! celui qui ouvre son abri à un homme errant et persécuté ne sera pas longtemps sans asile, et les résignés ne connaîtront pas toujours le chagrin.

Ces mots de l’étranger retentirent à l’oreille de son compagnon comme une révélation prophétique. Les deux amis se serrèrent de nouveau la main, et se regardant l’un l’autre avec une tendresse dont l’expression ne pouvait être entièrement étouffée par l’austérité de leurs manières et celle de leur caractère, ils se dirent un dernier adieu. Le Puritain se dirigea lentement vers le misérable abri qui couvrait sa famille, tandis que étranger conduisit le cheval qu’il venait de monter à travers les pâturages de la vallée, se dirigeant vers les sentiers les plus retirés du désert.