Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/198

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bien nivelée et couverte de graviers aboutit quelquefois à un marécage impraticable ; les clochers de la ville sont cachés par les branches d’une épaisse forêt, et le canal conduit à une montagne qui semble nue et stérile. Celui qui ne revient pas voir ce qu’une autre année aura pu produire emporte ordinairement avec lui des souvenirs de ces scènes qui l’entraînent dans l’erreur. Pour voir l’Amérique avec les yeux de la vérité, il est indispensable de la voir souvent ; et pour bien comprendre la situation actuelle des États qui la composent, il faut se rappeler qu’il est aussi injuste de croire que tous les points intermédiaires participent à l’amélioration de certains lieux particuliers, que de conclure d’après quelques faits défavorables glanés près du centre, qu’il ne se trouve aucune civilisation dans les établissements plus éloignés. Par un concours accidentel de causes morales et physiques, une grande partie de cette égalité qui distingue les institutions du pays s’étend aux progrès de la société sur toute sa surface.

Quoique l’impulsion donnée aux améliorations ne fût pas aussi forte du temps de Mark Heathcote que dans le nôtre, le principe en existait déjà activement. Nous fournirons une preuve suffisante de ce fait en suivant notre intention de décrire un de ces changements auxquels nous avons déjà fait allusion.

Le lecteur se rappellera que l’époque à laquelle se sont passés les événements que nous rapportons était les vingt-cinq dernières années du dix-septième siècle. Le moment auquel doit recommencer l’action de notre histoire est cette partie du jour où le crépuscule du matin commence à tirer les objets de cette profonde obscurité dont la nuit les couvre. On était dans le mois de juin, et la scène qui se présentait aux yeux mérite peut-être une description détaillée.

S’il avait fait jour, et qu’on eût été placé de manière à pouvoir jouir à vol d’oiseau de l’aspect du lieu dont nous allons parler, on aurait vu une immense forêt, océan de verdure, dont les vagues étaient doucement agitées, dans laquelle les arbres de la Nouvelle-Angleterre, dont les feuilles tombent tous les ans, étaient mêlés çà et là de masses d’arbres toujours verts, dont le feuillage était d’un coloris plus foncé. Au milieu de ces bois, qui s’éten-